Évangile du Mardi 22 novembre 2022 – 34e semaine du temps ordinaire (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)
« Il n’en restera pas pierre sur pierre » Lc 21, 5-11
En ce temps-là, comme certains parlaient du Temple, des belles pierres et des ex-voto qui le décoraient, Jésus leur déclara : « Ce que vous contemplez, des jours viendront où il n’en restera pas pierre sur pierre : tout sera détruit. » Ils lui demandèrent : « Maître, quand cela arrivera-t-il ? Et quel sera le signe que cela est sur le point d’arriver ? » Jésus répondit : « Prenez garde de ne pas vous laisser égarer, car beaucoup viendront sous mon nom, et diront : “C’est moi”, ou encore : “Le moment est tout proche.” Ne marchez pas derrière eux ! Quand vous entendrez parler de guerres et de désordres, ne soyez pas terrifiés : il faut que cela arrive d’abord, mais ce ne sera pas aussitôt la fin. »
Alors Jésus ajouta : « On se dressera nation contre nation, royaume contre royaume. Il y aura de grands tremblements de terre et, en divers lieux, des famines et des épidémies ; des phénomènes effrayants surviendront, et de grands signes venus du ciel. »
Méditation
Ce qui m’impressionne dans cet Évangile en le lisant, c’est le contraste si grand entre le contenu des paroles de Jésus et sa sérénité, le ton de sa voix que j’imagine tranquille, pacifié. Contraste énorme parce que ses mots parlent de “destruction”, de “prendre garde à ne pas se laisser égarer”, de “guerres et de désordres”, de “grands tremblements de terre et, en divers lieux, de famines et d’épidémies ; de phénomènes effrayants”. Et comme si cela ne suffisait pas, Jésus rajoute: “Quand vous entendrez parler de guerres et de désordres, ne soyez pas terrifiés : il faut que cela arrive d’abord,mais ce ne sera pas aussitôt la fin. »
Comment comprendre ce message qui, avouons-le, nous fait bien peur ? Il ravive en nous la peur, parce que cette liste de « désastres » ne nous semble malheureusement pas si étrangère à ce que les nouvelles quotidiennes nous apportent ! Déjà plus de 8 mois de guerre en Ukraine, et tant d’autres lieux de notre terre en conflit. Des conflits armés dont on ne parle plus, leurs conséquences pourtant dramatiques : la famine, l’obligation de fuir de milliers de personnes pour tenter de survivre, l’effroyable périple des migrants, les réfugiés rejetés aux portes de tant de pays, et les crises de tous genres suite à la longue pandémie du covid19 …
Les Évangiles que nous écoutons en cette fin d’année liturgique sont presque tous de cet ordre-là : l’annonce « de phénomènes effrayants [qui] surviendront, et de grands signes venus du ciel ». Ils secouent les fragiles créatures que nous sommes. On serait tentés de ne pas les écouter, de ne pas leur laisser nous dire ce qu’ils ont à nous dire.
Jésus au milieu de tous ces signes de « fin du monde » demeure ancré dans la confiance indéracinable envers son Père. Quand les personnes qui contemplaient les belles pierres du temple Lui demandèrent : « Maître, quand cela [la destruction] arrivera-t-il ? Et quel sera le signe que cela est sur le point d’arriver ? », Il ne répond pas à la question. Seul son Père pourrait y répondre. Mais Il dit alors une chose très importante : « Prenez garde de ne pas vous laisser égarer, car beaucoup viendront sous mon nom,et diront : “C’est moi”, ou encore : “Le moment est tout proche.”Ne marchez pas derrière eux ! »
Au cœur de la peur qui peut nous envahir, nous paralyser, Jésus nous demande une seule chose : ne t’éloigne pas de Moi, garde le cap sur ma Parole telle l’unique étoile dans ta nuit et la boussole pour ta route. Suis-Moi pour que ton cœur ne s’égare pas. Sache que lorsque ta fragilité et ta vulnérabilité se laissent submerger par la crainte, ton cœur risque de se laisser entraîner par des promesses faciles, des ‘prophéties’ tellement éphémères … Ne marche pas derrière elles. Redonne-moi la main comme au tout début de notre chemin ensemble. Car, Moi, je me souviens de la tendresse de tes jeunes années, ton amour de jeune mariée, lorsque tu me suivais au désert, dans une terre inculte. » (Jérémie 2,2) Et aujourd’hui, comme hier et aussi demain, je désire te conduire vers la paix.
En méditant cet Évangile, l’Esprit Saint m’a rappelé des mots lus un jour dans un entretien fait à Éloi Leclerc[1]. Le doux Franciscain (auteur du magnifique petit livre Sagesse d’un pauvre), s’est laissé conduire toute sa vie par le Maître pacifié. Lui qui avait connu dans sa jeunesse l’innommable enfer des camps de la mort et failli y mourir, avait répondu à la question « N’êtes-vous pas désespéré devant ce monde ? » : Non, Dieu aime son œuvre. Mais Il peut permettre que nous recevions de bonnes leçons […] On lui avait ensuite demandé « comment nourrissez-vous votre espérance ? » Éloi Leclerc avait alors exprimé ces mots : en lisant les Épîtres de saint Paul, notamment celle aux Éphésiens où il montre le dessein de Dieu à travers le mystère du Christ : nous avons été choisis, élus, pour être enfants de Dieu, dès avant le commencement du monde ! Alors, il faut respirer largement et replacer notre petite Histoire contemporaine dans la globalité de la Création.
Finalement, le journaliste lui avait demandé : Frère Éloi, êtes-vous en paix ? Si je me regarde… non. Mais j’évite de me regarder ! Je regarde Dieu, alors j’ai la paix. Car j’ai devant moi un Père qui me connaît et qui m’aime depuis toujours. Si l’on se regarde un tant soit peu lucidement, on ne peut que constater les déficiences, les attachements, les ambiguïtés. Mais… il y a Dieu ! Et quand on regarde Dieu, on sait avec l’apôtre Paul que « rien, absolument rien ne peut nous séparer de l’Amour de Dieu qui s’est manifesté en Jésus-Christ, ni les puissances de vie, ni les puissances de mort ». Rien ! Et saint Augustin a même ajouté : «Pas même le péché » ! Cette Foi est le secret de ma joie et de ma paix.
En cette toute fin de l’année liturgique, je nous souhaite à chacun de pouvoir – comme le Frère Éloi – respirer largement et replacer notre petite Histoire contemporaine dans la globalité de la Création. Le Christ en est le Roi, le Sauveur, notre Alpha et notre Omega. Je vous laisse avec les mots de cette stance (de la fête du Christ Roi) que j’aime beaucoup :
Amour qui nous attends au terme de l’histoire,
Ton royaume s’ébauche à l’ombre de la croix :
Déjà sa lumière traverse nos vies.
Jésus, Seigneur, hâte le temps ! Reviens achève ton œuvre ![2]
Jusqu’à ce jour nous le savons,
la création gémit en travail d’enfantement.
Laurence Vasseur, vasseurlaurence@hotmail.com
[1] Entretien avec Éloi Leclerc publié le 25/12/2004 dans Famille chrétienne.
[2] Stance Amour qui nous attends.
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