Méditation : La veuve et l’enfant (No 69 – série 2022-2023)

Image par Mohamed Hassan de Pixabay

Évangile du Samedi 12 novembre 2022 – 32e semaine du temps ordinaire (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)

« Dieu ne ferait pas justice à ses élus, qui crient vers lui jour et nuit ? » Lc 18, 1-8

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples une parabole sur la nécessité pour eux de toujours prier sans se décourager : « Il y avait dans une ville un juge qui ne craignait pas Dieu et ne respectait pas les hommes. Dans cette même ville, il y avait une veuve qui venait lui demander : “Rends-moi justice contre mon adversaire.” Longtemps il refusa ; puis il se dit : “Même si je ne crains pas Dieu et ne respecte personne, comme cette veuve commence à m’ennuyer, je vais lui rendre justice pour qu’elle ne vienne plus sans cesse m’assommer.” »
Le Seigneur ajouta : « Écoutez bien ce que dit ce juge dépourvu de justice ! Et Dieu ne ferait pas justice à ses élus, qui crient vers lui jour et nuit ? Les fait-il attendre ? Je vous le déclare : bien vite, il leur fera justice. Cependant, le Fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? »

Méditation

C’est en compagnie d’une veuve têtue et assommante que Jésus nous incite à réfléchir sur la foi présente, tenace, persistante. Une veuve, une femme qui après avoir été sous l’autorité de son père, de ses frères puis de son époux, se retrouve sans statut, sans condition, sans possession et en lutte contre un adversaire. Drapée du noir de l’isolement, elle symbolise la perte et le deuil, elle se déplace dans les détournements des regards et traîne dans le lourd silence de la précarité qui s’agrippe à quiconque comme la misère. Une indignité voilée dont tous s’écartent sur son passage. S’attendait-elle réellement à obtenir justice ?

Pourtant, cette indignité n’y sera pour rien. Le juge, sans foi ni loi, lui rendra justice pour faire taire l’assommante et réclamante indignité. Le juge dépourvu de justice n’en peut plus, il cède comme un parent qui finit par acheter le bonbon réclamé à cors, à crises et à cris par l’enfant au magasin. Imaginons maintenant Dieu, entourés de tels enfants hurlant jour et nuit pour obtenir justice. Réponse miséricordieuse qui pardonne et libère plutôt que venge et répare, la justice divine est surplus, grâce et amour au cœur de nos indignités, de nos deuils et de notre isolement. La justice de Dieu se décline sous le mode du don de soi fécond qui engendre envers et contre tout. N’est-ce pas au fond ce qu’a obtenu la veuve auprès d’un juge inflexible, dépourvu de justice, sans respect aucun pour ses semblables ni pour Dieu ? Malgré lui, le juge sort de son immobilisme impérial, malgré lui, le juge observe une juste distance au plus près de la veuve plutôt qu’en surplomb, malgré lui le juge n’est plus fonction suprême mais instrument de charité.

Ce n’est donc pas l’indignité qui obtiendra justice mais bien la confiance solide et persistante malgré le noir, l’isolement et la perte. La foi est certainement veuve, vulnérable, elle est certainement dépouillement et patience car Dieu seul suffit. De l’indignité à la foi, la veuve assommante nous montre ce chemin spirituel qu’est l’entrée dans la filiation divine. Derrière le voile noir de celui ou celle que personne ne veut voir en vérité se révèle une présence vive, têtue, incontournable, digne. Se dévoile, une foi incarnée qui abandonnera peu à peu le veuvage imposé, fera le deuil des fausses croyances. Se dévoile une foi vivifiante comme l’enfant libre retrouvé sous les décombres de nos blessures et de nos pertes. Une foi-enfance confiante pour rien et qui mérite tout, une petite fille têtue et assommante qui obtiendra tout le magasin de bonbons par ses prières, ses suppliques et ses louanges. Parce que malgré les amertumes et les douceurs, elle demeure bien-aimée par l’Amour même.

« Cependant, le Fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? » Quand il viendra, il trouvera encore l’indignité et des veuves de noir drapées. Quand il viendra, il trouvera encore une justice humaine dépourvue de justice, dépourvue de respect envers le vivant en ce monde. Il trouvera encore une justice éloignée du commandement d’amour qui renverse toutes les lois, « aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés ». Ce comme, si précieux et si fou, c’est le comme de la confiance absolue, c’est le comme de l’enfance, c’est le comme de Jésus. Trouvera-t-il de la foi ? Tant qu’il y aura des veuves qui aimeront comme des enfants, tant que la confiance persistera et fleurira au cœur du dépouillement, tant que nous nous laisserons habiter par la  veuve qui tient la main de l’enfant , tous deux confiants en Dieu, il y aura foi sur notre terre et en ce monde.

Barbara Martel (bmartel@lepelerin.org)

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