Méditation : La chair et le temple (No 66 – série 2022-2023)

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Évangile du Mercredi 9 novembre 2022 – Dédicace de la basilique du Latran- 32e semaine du temps ordinaire (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)

« Il parlait du sanctuaire de son corps » Jn 2, 13-22

Comme la Pâque juive était proche, Jésus monta à Jérusalem. Dans le Temple, il trouva installés les marchands de bœufs, de brebis et de colombes, et les changeurs. Il fit un fouet avec des cordes, et les chassa tous du Temple, ainsi que les brebis et les bœufs ; il jeta par terre la monnaie des changeurs, renversa leurs comptoirs, et dit aux marchands de colombes : « Enlevez cela d’ici. Cessez de faire de la maison de mon Père une maison de commerce. » Ses disciples se rappelèrent qu’il est écrit : L’amour de ta maison fera mon tourment. Des Juifs l’interpellèrent : « Quel signe peux-tu nous donner pour agir ainsi ? » Jésus leur répondit : « Détruisez ce sanctuaire, et en trois jours je le relèverai. » Les Juifs lui répliquèrent : « Il a fallu quarante-six ans pour bâtir ce sanctuaire, et toi, en trois jours tu le relèverais ! » Mais lui parlait du sanctuaire de son corps.
Aussi, quand il se réveilla d’entre les morts, ses disciples se rappelèrent qu’il avait dit cela ; ils crurent à l’Écriture et à la parole que Jésus avait dite.

Méditation

« [Jésus] les jette tous hors du sanctuaire, avec les ovins et les bovins », avec la brebis et le bœuf. Le bœuf me fixe avec ses grands yeux souriants, trottant derrière le marchand furieux, il ne sera ni vendu ni sacrifié aujourd’hui. L’étonnement de l’enclos ouvert, la surprise de se savoir sauvé par celui qui est venu. Je m’étonne aussi avec le bœuf, ce bœuf qui m’enseigne.

Il l’avait certainement reconnu, le pas ferme, le visage décidé de celui qui avance, celui pour qui un oui est un oui, celui par qui le oui est vivant.

De la crèche au temple, le bœuf l’a reconnu, il a re-connu l’annonce et la liberté. Il l’avait réchauffé de son haleine dans une étable crottée, dans une étable où la pauvreté s’était révélée dans la chair du nouveau-né. La pauvreté comme accouchement  de la plus grande richesse, de la plus vivante éternité. De l’opulence du temple à l’indigence d’une crèche, le bœuf se remémore, explore son chemin de vie  blessée et bénie. Devant la mangeoire cette nuit là, pauvreté première qui accueillait une chair en pâture, il n’a jamais été aussi libre ni aussi grand. Des rois venus d’Orient se sont prosternés, l’âne était splendide de docilité, des bergers sont venus célébrer sous le ciel étoilé. Un sauveur était né! Par lui, un sauveur avait été réchauffé!  Bœuf ou personnes accompagné.es, faire l’expérience d’une liberté infinie jaillissant de sa pauvreté première, une pauvreté vécue dans l’intimité de son être, une pauvreté souvenue comme une empreinte sur son âme, est saisissant. Et ce saisissement s’incarne lorsque l’on découvre que nous y sommes à  la fois pour rien et pour tout. Nous sommes pétris de gratuité et de grâce, nous participons au souffle premier de Dieu et au souffle exaspéré du Christ. Mais, je vois que le bœuf s’impatiente et veut revenir vers ses brebis.

En quittant la crèche et le recueillement, le bœuf s’est fait cheptel et richesse chez Job, il s’est fait veau d’or et excès sous les héritiers de Salomon, il s’est fait puissance et encore divinité sous Pharaon, il s’est fait encore et toujours holocauste pour toute les raisons. La chair mythologisée et marchandée pour satisfaire les hommes, les avides, les perdus, les affamés, les paralysés. Pour satisfaire les adorateurs de la richesse inique, dorée, bovine. Ce bœuf ayant réussi parmi les bœufs, s’est retrouvé malgré tout aux portes du temple comme marchandise. Ce Job ayant réussi parmi les justes, s’est retrouvé malgré tout à la décharge municipale. Cette accompagnée ayant réussi parmi ses amis, s’est retrouvé malgré tout en plein désert d’espérance. Comme le temple, 46 ans de croyances et d’existence en son confort. Comme la crèche, un moment pour contempler la vie nouvelle en sa mangeoire. Dessiller, hériter, ressusciter, c’est l’histoire d’une vie qui naît dans la Vie à travers le corps.

Se souvenant de l’annonce inscrite dans cette nouvelle vie, de ce Salut fait chair qu’ils ont gardé au chaud malgré l’indignité, le boeuf et l’accompagnée se sont souvenu de la Liberté qu’ils incarnent. Trottant derrière le marchand de bovins, de sable ou de bonheur,  ils portent la tendresse de ceux qui savent qu’ils n’ont plus à être sacrifiés, ils portent la colère de ceux qui luttent contre l’indifférence mortifère. Surtout, ils portent désormais la grâce en leur chair.

Barbara Martel (bmartel@lepelerin.org)

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