Évangile du Lundi 7 novembre 2022 – 32e semaine du temps ordinaire (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)
« Si sept fois par jour ton frère revient à toi en disant : “Je me repens”, tu lui pardonneras » Lc 17, 1-6
En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Il est inévitable que surviennent des scandales, des occasions de chute ; mais malheureux celui par qui cela arrive ! Il vaut mieux qu’on lui attache au cou une meule en pierre et qu’on le précipite à la mer, plutôt qu’il ne soit une occasion de chute pour un seul des petits que voilà.
Prenez garde à vous-mêmes ! Si ton frère a commis un péché, fais-lui de vifs reproches, et, s’il se repent, pardonne-lui. Même si sept fois par jour il commet un péché contre toi, et que sept fois de suite il revienne à toi en disant : “Je me repens”, tu lui pardonneras. »
Les Apôtres dirent au Seigneur : « Augmente en nous la foi ! » Le Seigneur répondit : « Si vous aviez de la foi, gros comme une graine de moutarde, vous auriez dit à l’arbre que voici : “Déracine-toi et va te planter dans la mer”, et il vous aurait obéi. »
Méditation
La Vie est un fleuve dont les courants réjouissent le cœur (Ps 46, 4). Cette eau appelle les hommes, elle chante pour qu’ils plongent dans cette confiance qui porte, lave et abreuve (Ezéchiel 47,1). Sur la terre, le lieu où les hommes se retournent pour répondre à cet appel de la Vie, c’est l’Église, ce Corps du Christ dont le contour échappe à nos yeux. En effet, le mot « église » vient du verbe grec « ek-kaleô » qui signifie « appeler au-dehors ». L’Église est ce peuple qui sort et se met en marche pour répondre à l’appel du Dieu vivant. L’Esprit attire mystérieusement les hommes hors de leur détresse pour renouer avec la vie.
Le Christ prévient ses disciples que la communauté unie par Son Nom connaîtra des chutes. Le mot grec « scandalon » (qui donnera scandale en français) est un « piège sur la route ». Car, sur le chemin de la vie en Dieu, des pierres font trébucher les disciples. Le Royaume est déjà-là et pourtant, nous ne sommes pas encore arrivés. Contre le défaitisme qui démoralise et contre l’angélisme qui nie le mal, le Christ nous confie une Parole vraie comme une bonne nouvelle : Celui qui proclame « Courage, j’ai vaincu le monde » (Jn 16,33) nous invite prendre soin de nous : « Prenez garde à vous-mêmes ! »
Les groupes humains négligent les offenses faites aux petits. Les puissants trouvent des excuses : « Il faut garder la face… sauver les apparences… Si un innocent meurt, ce n’est pas si grave, si le groupe survit… » C’est ce que dit Caïphe qui condamne Jésus (Jn 11,50). Mais, Jésus donne à son Église une autre direction. Il refuse de banaliser le mal fait aux petits… Dans une vie en Alliance avec Dieu, nous sommes un bon pain les uns pour les autres. L’Église est ce lieu où nous sommes appelés à rompre notre vie, notre corps, nos forces comme du pain à partager. Dans un moulin, la meule en pierre broie le grain et produit la farine. Mais, celui qui, de cette pierre qui moud le blé, fait un obstacle (« scandalon ») sur le chemin de la vie a perdu son orientation. Celui-là perd l’Alliance qui relie au frère. Avec le temps, avec la négligence qui dure abus après abus, le mal, qui n’était qu’un caillou sur le chemin, est devenu une pierre de moulin qui saute au cou du pécheur invétéré ! Ce pécheur déboussolé aurait tout intérêt à plonger dans la mer « plutôt que » de blesser les petits. Le Christ ne lance pas de malédiction, car Il ne prend pas plaisir à la mort du pécheur (Ezéchiel 18, 23 ; 33,11). La réplique du Christ est la voix qui hurle l’énormité du préjudice subi par les petits. Le Dieu qui est « lent à la colère et plein de bonté » (Exode 43,6) n’est pas faible face au péché. Aucune complicité avec le mal n’est acceptable.
Après avoir dénoncé les hommes pervers, le Christ invite son Église à ré-ouvrir inlassablement une voie à la métamorphose du pécheur qui dit « je me repends », « métanoô » « je change d’orientation, je retourne mon état d’esprit ». Les « vifs reproches » espèrent la conversion du pécheur. Justice et miséricorde s’articulent comme dans le Lévitique qui commande l’amour du prochain (Lv 19,18) tout en faisant de la réprimande du pécheur un commandement (Lv 19,17). Pour aimer, il faut savoir reprendre, rectifier, réajuster, redire ce qui est juste… parfois avec fermeté !
Les apôtres semblent secoués par cette exigence de l’amour qui allie, dans un paradoxe, juste sévérité et infatigable pardon. Il est plus aisé d’être sans miséricorde comme Jonas qui se réjouissait de l’anéantissent de Ninive. Il est plus facile d’être indifférents à l’injustice comme les habitants de Sodome. Comment tenir dans l’équilibre instable du paradoxe ? Pour évacuer ce paradoxe, les apôtres demandent une foi plus grande, plus… plus… Si seulement nous étions sans faiblesse, ce rêve rassure… On espère échapper au paradoxe… et tout avoir sous son contrôle.
Mais, le Christ qui est la Vérité trouve dans la petitesse du grain de moutarde un enseignement qui accoutume les apôtres à leur pauvreté, au tâtonnement de l’équilibriste. Dans le texte grec de l’évangile de ce jour, l’arbre est un « sycomore », l’arbre des pauvres. Zachée le sait bien… ce sycomore, cet arbre qui ne vaut rien sert d’échelle pour s’élever… tant la pauvreté ouvre le cœur au besoin de Dieu. Alors cette foi de pauvre tournée vers le Père dit au mal enraciné : déracine-toi et mets-toi en route ! Va rejoindre cette mer du mal que le Christ sauve en créant toutes choses nouvelles ! Le Sauveur videra cette mer, symbole biblique du mal. Cette eau salée, invivable, cette Mer Morte qui nous encercle et nous menace… le Christ en est vainqueur : « Alors j’ai vu un ciel nouveau et une terre nouvelle, (…) de mer, il n’y en a plus. » (Apocalypse 21,1).
Vincent Reiffsteck
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