Évangile du Lundi 31 octobre 2022 – 31e semaine du temps ordinaire (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)
« N’invite pas tes amis ; invite des pauvres, des estropiés » Lc 14, 12-14
En ce temps-là, Jésus disait au chef des pharisiens qui l’avait invité : « Quand tu donnes un déjeuner ou un dîner, n’invite pas tes amis, ni tes frères, ni tes parents, ni de riches voisins ; sinon, eux aussi te rendraient l’invitation et ce serait pour toi un don en retour. Au contraire, quand tu donnes une réception, invite des pauvres, des estropiés, des boiteux, des aveugles ; heureux seras-tu, parce qu’ils n’ont rien à te donner en retour : cela te sera rendu à la résurrection des justes. »
Méditation
Nous aimons recevoir nos amis et être reçus aimablement. L’évangile nous raconte comment Jésus aimait ses amis. Il appréciait la compagnie de Marthe, Marie et de Lazare (Luc 10 ; Jn 11), rendait visite à la famille de Pierre (Mc 1,29). C’est le bonheur d’une vie humaine remplie d’amis, d’enfants et de rires. Beaucoup de personnes aimeraient se réchauffer au bois de cette amitié. Nous avons tous besoin de cette gratuité qui traverse la vie de famille. Quand tout se passe bien, cette gratuité de la relation reste cachée derrière le plaisir du lien et le bonheur échangé. Quand la vie se donne et se reçoit tranquillement, on n’aperçoit pas sa richesse ! Mais, quand un accroc survient, quelque chose se casse. Une brisure s’introduit dans le quotidien des familles, une rupture s’immisce dans l’amitié. La famille de Jésus s’inquiétait de sa nouvelle vie itinérante (Mc 3,21) et son ami Judas Iscariote fut une cause de déception. Alors, ceux qui partagent notre vie nous apparaissent soudain comme des boiteux. « Mon fils… ne voit-il pas ce qui me saute aux yeux ? Est-il aveugle ? » se dit tel père déçu… Nous pouvons aussi être une déception pour nous-mêmes… et nous reléguons dans l’ombre ce qui nous gène. Alors, soudain, un boiteux de l’amour sort de l’ombre et explose en pleine lumière dans une colère qui hurle son désespoir… Comment réagissons-nous à cette demande estropiée de vie et d’attention ? Nous sommes heurtés, nous avons peur.
Au soir de sa vie terrestre, lors de son dernier repas, le Christ a invité à Sa table un qui devait Le trahir, un qui allait s’enfuir et un autre qui s’apprêtait à Le renier… tous aveugles à Son amour. Dans une action de grâce, Il remerciait le Père pour ces frères qui L’entouraient et pour lesquels Il donnait sa vie en toute conscience (Jn 10,18). Inviter à sa table un traître, un lâche et un ami qui renie, c’est plonger son regard plus loin que les apparences pour voir dans ces estropiés de l’amour des Fils aimés de Dieu. Dans cette vie eucharistique tournée vers le Père, le Christ élargit notre sens du don. Il dilate notre amour et invite les estropiés que nous sommes à un changement de regard.
Cette conversion du regard est un travail, c’est aussi l’occasion de vivre une action de grâce qui anticipe prophétiquement sur la gloire à venir. A la suite du Christ, dans l’espérance, je peux rendre grâce pour la vie qui vient. Quand le pas est lourd, je ne suis pas contraint à la résignation. Je peux avec le Christ ouvrir un chemin. C’est alors la chance de vivre un pardon qui pousse le don jusqu’à la régénération de la vie. Ce « rien en retour » nous place devant un choix : vais-je sombrer dans la violence pour repousser ce qui me gène ? Ou, avec confiance, vais-je changer mon regard pour inaugurer une nouvelle relation ? Cet acte créateur excède nos forces, échappe à notre maîtrise, car il ne peut être qu’une action de l’Esprit dans notre vie. Au cœur de notre histoire, c’est déjà vivre quelque chose de la résurrection.
Dans la Parole d’aujourd’hui, le Christ partage la surabondance de Sa vie divine. Son don sans retour ouvre l’espace d’une nouvelle manière de vivre à laquelle nous pouvons participer dans la foi. Que ce qui estropie n’arrête pas notre mouvement, car il est possible de faire route avec le Christ pour renaître à l’amour ! Encore faut-il manger à la table de Celui qui le premier nous accueille, nous aime et nous pardonne. Il nous faut accepter de vivre avec Lui le mal qui blesse notre pas. Celui qui fracasse les portes de la mort, c’est le Christ, ce Dieu qui danse et invite les boiteux à la danse (Mt 11,17) ! Laisser son désir s’ajuster au regard du Christ, c’est se laisser polir par une douceur qui anticipe la « résurrection des justes ».
Vincent REIFFSTECK, vincent.reiffsteck@wanadoo.fr
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