Méditation : La fuite du renard et la marche du Vivant (No 53 – série 2022-2023)

Image par Mario de Pixabay

Évangile du Jeudi 27 octobre 2022 – 30e semaine du temps ordinaire (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)

« Il ne convient pas qu’un prophète périsse en dehors de Jérusalem » Lc 13, 31-35

En ce jour-là, quelques pharisiens s’approchèrent de Jésus pour lui dire : « Pars, va-t’en d’ici : Hérode veut te tuer. » Il leur répliqua : « Allez dire à ce renard : voici que j’expulse les démons et je fais des guérisons aujourd’hui et demain, et, le troisième jour, j’arrive au terme. Mais il me faut continuer ma route aujourd’hui, demain et le jour suivant, car il ne convient pas qu’un prophète périsse en dehors de Jérusalem.
Jérusalem, Jérusalem, toi qui tues les prophètes et qui lapides ceux qui te sont envoyés, combien de fois ai-je voulu rassembler tes enfants comme la poule rassemble ses poussins sous ses ailes, et vous n’avez pas voulu ! Voici que votre temple est abandonné à vous-mêmes. Je vous le déclare : vous ne me verrez plus jusqu’à ce que vienne le jour où vous direz : Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! »

Méditation

Mystère du temps ! telle serait ma première impression de cet Évangile. Par deux fois, Jésus l’évoque : “voici que j’expulse les démons et je fais des guérisons aujourd’hui et demain, et, le troisième jour, j’arrive au terme. Mais il me faut continuer ma route aujourd’hui, demain et le jour suivant, car il ne convient pas qu’un prophète périsse en dehors de Jérusalem.”

Dans nos vies humaines, nous nous questionnons souvent sur ce que nous allons faire mais que penser du Fils de Dieu, et Fils de l’Homme, qui définit son chemin comme une expulsion des démons, un ministère de guérison et une consommation de Lui-même (car, à la différence de la traduction proposée ici du texte grec “j’arrive au terme”, la bible de Jérusalem traduit “je suis consommé” et celle de Chouraqui “je serai fini”). Quel est le sens de notre vie et à quoi et à qui doit-elle être consacrée ?

Bien sûr, ces trois jours rappellent les trois jours avant la Résurrection mais ne sont-ils pas une sorte de condensé symbolique de notre propre traversée jusqu’à la Vie ?! Le chemin humain n’est-il pas, de fait, un combat contre le mal et un relèvement-guérison de l’humain jusque dans la consumation du mal en eux par le feu dévorant et consumant de l’Amour, car comme le souligne l’épître aux Hébreux, “En effet, notre Dieu est un feu consumant” (Hb 12, 29).

Alors est-ce que, dans ma vie, j’expulse des démons ? c’est-à-dire que, tous les jours, j’essaie de ne pas commettre le mal et que je ne donne pas en moi adhérence (foi) à ce mal. Peut-être sommes nous pris avec des images d’exorcisme quand nous parlons d’expulsion du mal mais, en fait, il est bien plus simple et fréquent que l’on pense. Quand à l’intérieur de nous, nous disons non à une parole blessante que nous voulons prononcer, nous refusons un geste qui blesserait l’autre, nous n’adhérons pas à une pensée de jugement ou de condamnation de l’autre qui monte en nous ou sur nous…, nous expulsons les démons.

Pour en être témoin dans ma vie et au Pèlerin, il n’est pas facile de travailler tous les jours à expulser les démons, à rompre les liens au mal, souvent construits en nous depuis des années. Pour naître à nous-mêmes, pour naître à la Vie et pour aider d’autres à naître, nous ne pouvons éviter ce chemin que le Fils nous trace. Cet acte d’expulsion est conjoint au ministère de guérison que Jésus exerce. Le but, pourrions-nous dire, n’est pas d’expulser pour expulser mais que nous expulsons en faisant le choix de la Vie.

Guérir ne tient pas à une plaie que nous soignons mais à chaque pas de naissance que nous faisons en direction de notre identité filiale profonde et, conséquemment, en direction de Dieu, de la Source, de la Vie, qui nous habite. Comme le dit l’étymologie du mot “guérir”, nous défendons en nous l’essentiel de l’humain et devenons en ce sens son “garant”. Et cette défense, nous devons la faire particulièrement contre ces “renards du temps” qui nous disent : “Pars, va-t’en d’ici : Hérode veut te tuer. ” En d’autres mots, ces renards nous demandent, avec malice, de quitter qui nous sommes et de marcher sur un chemin d’errance, choisissant ainsi comme moteurs de notre route la peur et l’angoisse. Comme le texte le dit, “nous abandonnons notre temple”.

Le mal avec tous ses démons vise toujours à nous empêcher de demeurer en nous-mêmes et, y demeurant, de demeurer en Dieu comme Lui demeure en nous. Ce n’est pas à nous de fuir mais au mal à fuir de nous. Alors n’adhérons jamais en nous à ces voix qui nous convainquent que ce que nous sommes est à quitter selon ce prétexte du mal que nous ne sommes pas assez bons, capables, aimés, etc.

Chacun.e de nous, nous sommes des prophètes, c’est-à-dire des porteurs de la Parole unique du Père, nous sommes être-paroles du Père au coeur du monde… et jamais nous ne devons quitter la cité sainte de Dieu qu’est notre être, quitter notre Jérusalem. Car si, au coeur de notre Jérusalem, le mal mène ses combats contre nous ou même nous assiège de l’extérieur, le lieu du triomphe de la Vie ne peut être qu’au lieu même de cette Vie, c’est-à-dire en nous.

C’est là que le “troisième jour” de cet Évangile prend place, celui où “nous sommes consommés”. Oui, il est vrai que le mal brûle de nous détruire mais que peut-il contre le “feu consumant” de Dieu, le “feu consumant” de son Amour. Devant ce feu, nous ne pouvons que nous exclamer comme sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus :

Vivre d’Amour, c’est bannir toute crainte
Tout souvenir des fautes du passé.
De mes péchés je ne vois nulle empreinte,
En un instant l’amour a tout brûlé…..
Flamme divine, ô très douce Fournaise !
En ton foyer je fixe mon séjour
C’est en tes feux que je chante à mon aise :
«Je vis d’Amour!…»

L’Amour qui consume conduit à “je suis consommé”, c’est-à-dire que notre vie devient un Pain de Vie partagé pour toutes et tous. Quand le mal, lui, veut nous faire quitter notre demeure, le don de Dieu unique que nous sommes, l’Amour, Lui, le faire naître et croître jusqu’au don total et amoureux de Dieu en nous et jusqu’à notre don total pour Dieu et pour tout humain. Ce n’est pas un repliement, c’est l’éclatement de la Vie dans le don amoureux ! C’est le mystère du temps qui éclate comme rencontre amoureuse avec la Vie, avec Dieu.

Comme Jésus, au coeur du temps qui nous est offert en don, “continuons notre route aujourd’hui, demain et le jour suivant !”

Stéfan Thériault (stheriault@lepelerin.org)

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