Méditation : La joie de Jésus, le ciel de Thérèse (No 27 – série 2022-2023)

Évangile du Samedi 1 octobre 2022 – 26e semaine du temps ordinaire – Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)

« Réjouissez-vous parce que vos noms se trouvent inscrits dans les cieux » Lc 10, 17-24

En ce temps-là, les 72 disciples que Jésus avait envoyés revinrent tout joyeux, en disant : « Seigneur, même les démons nous sont soumis en ton nom. » Jésus leur dit : « Je regardais Satan tomber du ciel comme l’éclair. Voici que je vous ai donné le pouvoir d’écraser serpents et scorpions, et sur toute la puissance de l’Ennemi : absolument rien ne pourra vous nuire. Toutefois, ne vous réjouissez pas parce que les esprits vous sont soumis ; mais réjouissez-vous parce que vos noms se trouvent inscrits dans les cieux. »
À l’heure même, Jésus exulta de joie sous l’action de l’Esprit Saint, et il dit : « Père, Seigneur du ciel et de la terre, je proclame ta louange : ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits. Oui, Père, tu l’as voulu ainsi dans ta bienveillance. Tout m’a été remis par mon Père. Personne ne connaît qui est le Fils, sinon le Père ; et personne ne connaît qui est le Père, sinon le Fils et celui à qui le Fils veut le révéler. »
Puis il se tourna vers ses disciples et leur dit en particulier : « Heureux les yeux qui voient ce que vous voyez ! Car, je vous le déclare : beaucoup de prophètes et de rois ont voulu voir ce que vous-mêmes voyez, et ne l’ont pas vu, entendre ce que vous entendez, et ne l’ont pas entendu. »

Méditation

« La Parole de Dieu me travaille plus que je ne la travaille » disait le poète Patrice de la Tour du Pin. Ainsi en est-il avec cet extrait si riche et si dense que mille méditations ne suffiraient à l’épuiser. Si la théologienne en moi s’émoustille et se ronge les ongles à la lecture de ce passage vorace pour ma pensée, elle ne peut que s’effacer à la lumière de la joie qui en émane.

Au chevet d’un XXIe siècle fatigué, aux côtés de contemporains assoiffés, la joie qui se déverse de cette parole en notre monde détonne : 72 sourires illuminant ce qu’on appellera dans la tradition, le Mal qui a raté son atterrissage, Jésus qui exulte, la gloire azurée des premiers saints, la Révélation abritée chez les tout-petits, la félicité du dessillé.

En cette fête de la sainte et éclatante Thérèse de Lisieux, je laisse sa petite voie grandiose guider notre méditation. Elle entre en résonance avec sa prière « Jésus, ma joie, c’est de T’aimer! »

Au milieu des disciples de retour, enjoués et débarrassés de toute peur, Thérèse mêle sa joie, amour parfumé à la leur. Ma joie, c’est la Volonté Sainte de Jésus mon unique Amour! Ainsi, je vis sans nulle crainte, j’aime autant la nuit que le jour. Évitant, en sautillant, les restes du Satan qui jonchent le sol, elle sait trop bien qu’on ne répond au mal que par la douceur. Jetant un regard sur les souffrances qui s’écoulent du mal atterri, elle ressent la tendre poigne du Christ sur son coeur. Ma joie, c’est d’aimer la souffrance, je souris en versant des pleurs, j’accepte avec reconnaissance les épines mêlées aux fleurs. Lorsque le Ciel bleu devient sombre et qu’il semble me délaisser, ma joie, c’est de rester dans l’ombre, de me cacher, de m’abaisser. Poursuivant sa course, aussi légère que la paix, elle s’arrête net. Freinée par la maladie qui brise ses 24 printemps, elle quitte les 72 et se met à l’écart. Elle se présente, aussi vraie que l’enfance, devant Jésus, il exulte. Ma joie, c’est de Le voir sourire lorsque mon coeur est exilé. Ma joie, c’est de lutter sans cesse afin d’enfanter des élus. C’est le coeur brûlant de tendresse de souvent redire à Jésus : « Pour Toi, mon divin petit Frère, je suis heureuse de souffrir, ma seule joie sur cette terre c’est de pouvoir Te réjouir ». Levant les yeux pour y contempler les saints noms inscrits dans le ciel, elle y reconnait le sien fondu dans le désir divin, elle y reconnaît sa demeure d’où elle fera pleuvoir des roses. Longtemps encore, je veux bien vivre Seigneur, si c’est là Ton désir dans le Ciel je voudrais Te suivre si cela Te faisait plaisir. L’amour, ce feu de la Patrie ne cesse de me consumer que me font la mort ou la vie ? Jésus, ma joie, c’est de T’aimer.

Thérèse nous révèle que la joie est la manifestation première du Dieu qui se donne à nous et en nous. Plénitude. L’Amour, parole et fulgurance, se glisse, en nos profondeurs. Il brûle nos peurs et attise le brasier de l’abandon, ce reste vermeil d’enfance et de compatissance. Abandon et joie sont les titres glorieux de l’Amour donné, ils sont sa maternité et ses ardeurs. Aimer, c’est tout donner et se donner soi-même disait-elle. Comment pourrait-il en être autrement ? Tout nous a été donné et tout ce qui est au Père est aussi à nous, filles et fils tant attendus tant célébrés (Lc 15.31). Rien ne nous appartient, ni le firmament ni nos enfants, cessons donc de compter en nos coeurs égratignés et étincelants. D’un blanc baptême, nous avons reçu l’amour vivifiant en surabondance. Je ne peux que donner, à mon tour, de cette œuvre d’amour qui renaît sans cesse en ma vie, la seule miséricorde que j’ai. Faire de l’espace, faire de la place, la source est vivante et la soif tenace.

Thérèse nous révèle que la joie est la manifestation première de la fécondité de Dieu. Alors je me fais toute petite pour qu’il prenne plus de place, sa place. Pour qu’il s’incarne, s’entremêle en moi, m’amincissant par l’humilité et la flamboyance de sa gratuité. À l’étroit en moi, le don unique que je suis avec Lui devient à la fois multiple et solaire, rayons pascals. Contrairement au plaisir, aucune joie n’est opaque, froide et solitaire. Aucune n’est suffisamment lourde pour ramener à terre. La joie du Dieu donné, ce oui dans la chair qui insuffle la Vie, transporte : c’est le vol planant de la foi dira Benoît XVI.

Les 72 réjouis, Jésus qui exulte, la puissance de ma faiblesse révélée, il fait fête en moi. Dans mon ciel et ses lueurs, le nom de Thérèse brille de mille feux, le mal est moins malheur et Dieu danse sous une pluie de roses, les épines mêlées aux fleurs.

Barbara Martel (bmartel@lepelerin.org)

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