Méditation : La fidélité ensemencée (No 13 – série 2022-2023)

Image par Hans de Pixabay

Évangile du Samedi 17 septembre 2022 – 24e semaine du temps ordinaire (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)

« Ce qui est tombé dans la bonne terre, ce sont les gens qui retiennent la Parole et portent du fruit par leur persévérance » Lc 8, 14-15

En ce temps-là, comme une grande foule se rassemblait, et que de chaque ville on venait vers Jésus, il dit dans une parabole : « Le semeur sortit pour semer la semence, et comme il semait, il en tomba au bord du chemin. Les passants la piétinèrent, et les oiseaux du ciel mangèrent tout. Il en tomba aussi dans les pierres, elle poussa et elle sécha parce qu’elle n’avait pas d’humidité. Il en tomba aussi au milieu des ronces, et les ronces, en poussant avec elle, l’étouffèrent. Il en tomba enfin dans la bonne terre, elle poussa et elle donna du fruit au centuple. » Disant cela, il éleva la voix : « Celui qui a des oreilles pour entendre, qu’il entende ! »
Ses disciples lui demandaient ce que signifiait cette parabole. Il leur déclara : « À vous il est donné de connaître les mystères du royaume de Dieu, mais les autres n’ont que les paraboles. Ainsi, comme il est écrit : Ils regardent sans regarder, ils entendent sans comprendre.
Voici ce que signifie la parabole. La semence, c’est la parole de Dieu. Il y a ceux qui sont au bord du chemin : ceux-là ont entendu ; puis le diable survient et il enlève de leur cœur la Parole, pour les empêcher de croire et d’être sauvés. Il y a ceux qui sont dans les pierres : lorsqu’ils entendent, ils accueillent la Parole avec joie ; mais ils n’ont pas de racines, ils croient pour un moment et, au moment de l’épreuve, ils abandonnent. Ce qui est tombé dans les ronces, ce sont les gens qui ont entendu, mais qui sont étouffés, chemin faisant, par les soucis, la richesse et les plaisirs de la vie, et ne parviennent pas à maturité. Et ce qui est tombé dans la bonne terre, ce sont les gens qui ont entendu la Parole dans un cœur bon et généreux, qui la retiennent et portent du fruit par leur persévérance. »

Méditation

La magnifique parabole du semeur, loin de jauger et de juger la piété des croyants, offre une perspective sur les différents terreaux de foi qui composent notre terre sacrée. Des terrains asséchés, des terrains en jachères remplis de ronces, par trop labourés et pierreux. Comme l’agriculteur qui arpente ses champs en regardant le ciel, la connaissance de nos terres intérieures forge le discernement. À partir de quel lopin est-ce que j’accueille et réponds à mon engagement envers la promesse de Dieu ? Mon engagement à incarner mon identité profonde, à devenir la personne que Dieu m’appelle à être afin que je demeure pleinement vivante en lui. Est-ce que je réponds à partir de ma foi, c’est-à-dire de ma fidélité qui fait croître en toute liberté ? Est-ce que je réponds au sein de mes insécurités rocailleuses, de mes aveuglements aussi denses que les ronces ? La fidélité, à l’image de la Parole semée, se moissonne en créant. Mon Je demeure est acte continu d’engagement. Il inclut parfois des renoncements et des effacements sans jamais renier ma participation.

La foi est la chance risquée, ses exigences dépassent parfois nos capacités immédiates pour demeurer fidèle. Mais je ne suis pas seule. Le théologien Vincent Ayel disait d’ailleurs : « Pour être fidèle, il faut être soi, pour être soi, il faut être au moins deux et pour être pleinement soi, il faut que l’autre soit Dieu ». Il s’agit donc de prendre en compte ses relations, à se donner pour que ma vie produise des fruits, pour qu’elle soit nourriture pour les autres et communion avec Dieu. Exigeant disions-nous ?

Le premier terrain c’est la lisière du chemin, du cheminement spirituel. Lorsque nous préférons demeurer sur le seuil, armés d’une logique scientifique, de décisions raisonnables et centrées sur soi, de situations sans risque et sans espace pour l’autre. Nous sommes alors inattentifs aux signes, repus de sagesse et dénués de pauvreté pour accueillir. Le terreau professionnel regorge de lisières qui ne demande pourtant qu’à être traversées. Vient la roche, terrain de ceux et celles qui goûtent sans engager, qui restent perchés du haut des possibilités sans plonger. De nos jours, l’engagement n’a guère la cote. La crainte de ne pas réaliser son trop plein potentiel, notion apparemment aussi plurielle qu’incommensurable, voilà qui rend les vertus de l’humilité et de la fidélité aussi vieillottes que limitantes. La foi est têtue, insolente, elle contredit, elle demande une conversion continue, de se laisser labourer, travailler, retourner sa terre. Et puis, les ronces, les préoccupations étouffantes, les soucis mais aussi le divertissement ou l’enfouissement de sa vie dans le travail par exemple. Les ronces, c’est l’enfermement à double tour de notre monde dans le monde.

Garder la foi meuble, irriguée, vivante donne à voir le caractère innovateur et fécond de la fidélité. Pour demeurer fidèle à son identité profonde, à son cœur de chair, il faut faire preuve de créativité à travers les vicissitudes, les blessures et les rôles imposés. Attentive aux signes de l’Esprit, je tente de discerner, de m’adapter, de me transformer là où croît la liberté, là où se répand la joie. La fidélité envers le qui je suis au-delà de ce que je suis maintenant et de ce que j’ai été, reste le témoignage de ma rencontre mille fois racontées avec Dieu. Ma vie est le fruit d’une chaîne unique d’amants et d’amantes depuis l’aube des temps, d’une parole unique transmise dans l’histoire de l’humanité, d’une récolte unique dans l’amour de Dieu.

En ce sens, la fidélité regarde vers le passé, non pas à tenter de cueillir des souvenirs flétris mais pour y retrouver les racines du oui premier, y puiser les raisons de l’élan et contempler la floraison de la promesse en cours. Les raisons de mon engagement à suivre le Christ fructifient à mesure que la vie mûrit et qu’elle nourrit. Même si l’engagement semble restreindre les possibilités, la personne qui s’engage envers quelqu’un songe à un avenir à construire, bâtir un Royaume avec elle. La fidélité est donc doublement créatrice à la fois pour la personne qui donne et pour celle qui reçoit, c’est la fidélité qui rend la vie pleinement humaine et authentique. Parole donnée, parole semée; elle est confiance et terreau de déploiement pour moi, pour l’autre, pour Dieu. Selon les belles paroles de la théologienne Marie-Thérèse Nadeau dans la Foi joyeuse, la fidélité n’est ni plus ni moins que le critère fondamental de la liberté.

Barbara Martel (bmartel@lepelerin.org)

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