Évangile du Mercredi 25 mai 2022 – 6e semaine de Pâques (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)
« L’Esprit de vérité vous conduira dans la vérité tout entière » Jn 16, 12-15
En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « J’ai encore beaucoup de choses à vous dire, mais pour l’instant vous ne pouvez pas les porter. Quand il viendra, lui, l’Esprit de vérité, il vous conduira dans la vérité tout entière. En effet, ce qu’il dira ne viendra pas de lui-même : mais ce qu’il aura entendu, il le dira ; et ce qui va venir, il vous le fera connaître. Lui me glorifiera, car il recevra ce qui vient de moi pour vous le faire connaître. Tout ce que possède le Père est à moi ; voilà pourquoi je vous ai dit : L’Esprit reçoit ce qui vient de moi pour vous le faire connaître. »
Méditation
L’Esprit nous est maintenant décrit comme “l’Esprit de Vérité”. Ce n’est bien sûr aucunement contraire à l’Esprit “Défenseur” d’hier, car la Vérité demeure toujours la clef de notre défense selon que “vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous libérera” (Jn 8, 32). Mais cette puissance de liberté de la Vérité n’est pas de tout repos. C’est ce que nous rappelle cet évangile : “J’ai encore beaucoup de choses à vous dire, mais pour l’instant vous ne pouvez pas les porter”.
Sur la route de notre cheminement spirituel, avouons-le, il ne nous est pas simple de nous regarder en vérité ou, mieux dit encore, de laisser la Vérité faire lumière en nous. Cette lumière a deux effets en nous. Elle est d’abord lumière de, en et sur Dieu, car “quand il viendra, lui, l’Esprit de vérité, il vous conduira dans la vérité tout entière”… qui est Dieu. Elle porte donc le mystère du Père et du Fils : “Tout ce que possède le Père est à moi ; voilà pourquoi je vous ai dit : L’Esprit reçoit ce qui vient de moi pour vous le faire connaître”.
Pour de simples humains comme nous, cette Lumière indicible se fait nuit, comme l’écrivait saint Jean de la Croix. Elle est nuit parce que Dieu n’est pas un objet que l’on peut circonscrire par notre raison; au contraire cette Lumière la fait délirer. Il nous est alors très difficile, comme le dit le texte, de la “porter”. Car nous perdons pied, glissons vers des terres inconnues, vers un Toujours plus Grand qui met en contraste notre pauvreté, notre petitesse et, diront certains mystiques, notre néant parce que rien ne nous appartient que nous n’ayons reçu de la part de Dieu. Par exemple, devant cette Vérité qui met en lumière l’Amour en Dieu et l’Amour de Dieu, comment ne pas être ébranlés par le contraste abyssal entre notre amour et Celui de Dieu. C’est vertigineux !
Comprenons que l’Esprit est en lui-même, de par qui Il est, dérangeant : “En effet, ce qu’il dira ne viendra pas de lui-même : mais ce qu’il aura entendu, il le dira ; et ce qui va venir, il vous le fera connaître.” Il est pur accueil ou écoute du Père et du Fils. Il est pure obéissance en regard de la Parole du Père qu’est le Fils. Tout son être vit dans une réciprocité, une unité et une communion surprenantes et infinies avec le Père et le Fils. Cette parfaite liberté d’être Un nous jette dans l’étonnement et le dépouillement. De fait, si nous nous y arrêtons, comment selon nos propres définitions “comprendre” que notre unité tient au fait que nous sommes les uns dans les autres, que notre parole est pleinement Parole que si la Parole même du Père est en nous et que notre liberté est de tout recevoir d’un Autre. Cette différence des Personnes divines qui vivent des relations sans frontières et sans barrières, une Unité où Chacun est pleinement en l’Autre et une liberté qui est pur Accueil et Don vers l’Autre nous sont très difficiles à “porter”.
Bien sûr, notre difficulté à “porter” la Vérité qui nous est révélée sur Dieu ne va pas sans celle également de “porter” la vérité sur nous-mêmes. Tant de mots dans le langage spirituel nous traduisent comment et combien la Parole nous laboure : conversion, transformation, pardon, contrition, résurrection, passion, etc. La rencontre avec la Parole du Père qu’est le Fils dans l’Esprit ne nous laisse jamais indemne. Ce combat est rude au point où Jésus dira : “N’allez pas croire que je sois venu apporter la paix sur la terre ; je ne suis pas venu apporter la paix, mais le glaive” (Mt 10, 34). Et ce glaive est la Parole portée jusque dans l’intime de notre être par l’Esprit : “Vivante, en effet, est la parole de Dieu, efficace et plus incisive qu’aucun glaive à deux tranchants, elle pénètre jusqu’au point de division de l’âme et de l’esprit, des articulations et des moelles, elle peut juger les sentiments et les pensées du cœur” (Héb 4, 12).
Cette action de l’Esprit de Vérité en nous, même si elle nous laboure, est celle aussi de l’Esprit de la Gloire du Père et du Fils : “Lui me glorifiera, car il recevra ce qui vient de moi pour vous le faire connaître”. Cette Gloire est la Vérité et l’Amour même qui est Dieu. Le difficile à “porter” n’est pas un enchaînement mais une libération qui provient de la libération par l’Esprit de la Vie même de Dieu en nous. C’est un débordement sans fin, l’expérience d’une création infinie et perpétuelle, d’une naissance de notre être unique mais dans une Unité sans rupture. C’est l’Infini dans le fini, la Vie éternelle dans le temporel et le provisoire, l’Amour en débordement de toutes nos haines, etc.
La Pentecôte n’a aucun rapport avec nos prêts-à-porter mais, bien plutôt, appelle un “se-laisser-porter” par l’Esprit dans l’infini des terres trinitaires où tout surgit continuellement nouveau dans l’étreinte amoureuse et dans la vérité lumineuse et sans fond. La Pentecôte est la danse éternelle de la Vie où le Silence du Père enveloppe et pénètre tout, le chant du Fils rythme tout et l’Esprit, en maître musicien, assure la danse de la diversité dans l’unité et de l’unité dans la diversité.
Laissons-nous pénétrer par la Danse Éternelle de la VIE, en ces lieux où jamais nos pieds auraient pu penser un jour danser !
Stéfan Thériault (stheriault@lepelerin.org)
DROIT D’AUTEUR
La méditation peut être partagée à toutes et à tous, en tout ou en partie, mais le nom de l’auteur et l’indication du centre le Pèlerin avec l’adresse du site (www.lepelerin.org) doivent être inscrits, car les droits d’auteur demeurent. Merci de votre compréhension.