Méditation : L’aube de l’humanité (No 160)

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Évangile du Samedi 19 mars 2022 – 2e semaine de Carême (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions

« Joseph fit ce que l’ange du Seigneur lui avait prescrit » Mt 1, 16. 18-21. 24a

Jacob engendra Joseph, l’époux de Marie, de laquelle fut engendré Jésus, que l’on appelle Christ.
Or, voici comment fut engendré Jésus Christ : Marie, sa mère, avait été accordée en mariage à Joseph ; avant qu’ils aient habité ensemble, elle fut enceinte par l’action de l’Esprit Saint. Joseph, son époux, qui était un homme juste, et ne voulait pas la dénoncer publiquement, décida de la renvoyer en secret. Comme il avait formé ce projet, voici que l’ange du Seigneur lui apparut en songe et lui dit : « Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse, puisque l’enfant qui est engendré en elle vient de l’Esprit Saint ; elle enfantera un fils, et tu lui donneras le nom de Jésus (c’est-à-dire : Le-Seigneur-sauve), car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés. »
Quand Joseph se réveilla, il fit ce que l’ange du Seigneur lui avait prescrit.
On peut aussi lire l’évangile selon saint Luc 2, 41-51a.

Méditation

“Marie, sa mère, avait été accordée en mariage à Joseph ; avant qu’ils aient habité ensemble, elle fut enceinte par l’action de l’Esprit Saint.” Marie n’était pas une femme comme une autre. Elle était née “immaculée conception”. Au fil des jours, elle avait sûrement remarqué qu’elle était différente des autres et elle devait être étonnée et déchirée de tout le mal présent dans le monde. Plusieurs fois, elle a dû se questionner sur ce que Dieu attendait d’elle, tout en Lui confiant tout. Mais voilà qu’elle “fut enceinte de l’Esprit Saint”. Tout l’espace de son être immaculé a été habité de la Présence de Dieu, non pas seulement mystiquement (“comblée de grâce”) mais dans l’inimaginable d’un Dieu qui se fait chair en elle. Elle porte le Fils de Dieu. Elle comprend alors le mystère de sa naissance et saisit que cette naissance était en vue d’une autre où Dieu lui demande d’être la “mère de Dieu”, la “mère du Sauveur”. En elle, s’est levée l’aube d’une humanité nouvelle.

Joseph, quant à lui, ne comprend pas, dès le départ, le mystère qui s’opère en Marie, sa promise. Quand il apprend la nouvelle, il est assurément dépassé mais, et nous voyons là la grandeur de cet homme, il ne se préoccupe pas de lui-même mais de Marie. La seule solution qu’il trouve, face à une loi qui exige de lui de répudier sa femme, est de le faire “en secret”. Il nous semble retrouver le texte du Mercredi des cendres où il nous est rappelé de faire l’aumône, le jeûne et la prière “en secret”, car Dieu est le “voyant du secret”. Dans le contexte, c’est un geste de paternité de Joseph qui semble surgi de Dieu.

Ce surgissement de la Présence, de l’Ineffable, se vit toujours au creux d’une rupture, d’un écart incompréhensible pour l’être humain. Ici, pour Joseph, il se situe au lieu du gouffre d’une vie déjà planifiée avec Marie et l’abandon complet du plan avec elle, ou entre celle qui est sa “promise” et la “répudiée”. Là dans cette faille, Dieu prend place. Il se fait entendre, au coeur de ce chaos, par ces paroles créatrices d’un jour nouveau : « Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse, puisque l’enfant qui est engendré en elle vient de l’Esprit Saint ; elle enfantera un fils, et tu lui donneras le nom de Jésus (c’est-à-dire : Le-Seigneur-sauve), car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés. »

Voilà une aube d’éternité dans les ténèbres humaines. Et nous, comme Joseph, devons consentir à l’impossible divin. Le miracle ne peut se produire que si nous disons oui. Nous sommes appelés, par cet appel de Dieu, à accueillir la mère et l’Enfant. Cet appel à l’humain marquera non seulement ce temps de l’Incarnation mais toute la vie de Jésus portera cet appel jusqu’à sa mort en Croix. C’est ce que Jésus d’ailleurs demandera à Jean au pied de la Croix, d’accueillir sa mère (“voici ta mère” (Jn 19, 27)) et rappellera à cette dernière que sa maternité implique d’accueillir tout humain comme son enfant (“Femme, voici ton fils” Jn 19, 26). Comme Joseph, “dès cette heure-là, le disciple l’accueillit chez lui” (Jn 19, 27).

Pour nous, accueillir le Fils signifie accueillir la mère et toute l’humanité avec elle. Marie est la première femme de cette humanité nouvelle, la première immaculée d’une longue lignée, selon que le Père “nous a choisis, dans le Christ, avant la fondation du monde, pour que nous soyons saints, immaculés devant lui, dans l’amour” (Éph 1, 4).

Au coeur de ce monde déchiré par la guerre, la seule solution ne sont pas les bombes mais d’accueillir en nous la naissance du Fils afin d’être engendré.e.s en Lui comme “filles ou fils adoptifs” (Éph 1, 5) et d’être sauvé.e.s du mal meurtrier que nous portons. Le Christ, “le soleil de justice brillera (moi qui ajoute : au plus intime de nous), avec la guérison dans ses rayons” (Ml 3, 20). La Lumière de Dieu nous transfigurera et nous rendra immaculé.e.s du mal qui nous habite.

Comme Jésus, toute notre vie est reprise par la vie de Jésus entre son incarnation et la Résurrection. Chacun.e de nous est appelé.e de par l’Incarnation à consentir à laisser naître le Fils en nous et, par, avec et en Lui, à naître nous-mêmes dans l’humanité du Fils et dans le sein du Père. Mais il s’agit d’un chemin, car tant d’événements, de souffrances, de maux… dans nos vies, nous placerons entre la destruction de nos contrôles sur notre existence et l’insoupçonné de la Vie, entre la “promesse” portée par cette naissance et la “répudiation”, et de nous et de Dieu.

La guerre qui se vit actuellement est un de ces moments de rupture, de ténèbres, où seule la foi en la Parole, déposée au coeur de chaque être comme une promesse, peut donner à cette même Parole de trouver un chemin insoupçonné vers la Vie, vers la Résurrection. Notre seule espérance, elle est là : de croire à l’Indicible. Et cette foi ouvre à l’intérieur de l’être une aube d’humanité, une aube pour rebâtir une humanité blessée, une aube qui abandonne à Dieu de transfigurer notre être et notre vie. Et cette aube, elle est là en nous, prête à se lever si nous y consentons.

Que cette Lumière nous transforme et nous donne d’être, nous-mêmes, une aube au creux des failles de ce monde !

Que saint Joseph soit pour nous un père sur ce chemin ! Bonne Saint Joseph !

Stéfan Thériault (stheriault@lepelerin.org)

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