Méditation : Le disciple que Jésus aimait (No 136)

Évangile du Mercredi 23 février 2022 – 7e semaine du temps ordinaire (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions

« Celui qui n’est pas contre nous est pour nous » Mc 9, 38-40

En ce temps-là, Jean, l’un des Douze, disait à Jésus : « Maître, nous avons vu quelqu’un expulser les démons en ton nom ; nous l’en avons empêché, car il n’est pas de ceux qui nous suivent. » Jésus répondit : « Ne l’en empêchez pas, car celui qui fait un miracle en mon nom ne peut pas, aussitôt après, mal parler de moi ; celui qui n’est pas contre nous est pour nous. »

Méditation

Le disciple que Jésus aimait, tel est le nom par lequel Jean s’est présenté dans son évangile. Ce nom nous indique que toute sa vie a été centrée sur l’Amour de Jésus ou, dit autrement, c’est l’Amour de Jésus qui est le point vocal de sa vie. Chez les trois autres évangélistes, si le nom de Jean est invoqué plusieurs fois, il ne parlera que trois fois, et les trois interventions, avouons-le, sont assez surprenantes. Dans une (Mc 10, 37), Jean avec son frère demande d’être assis à la droite et à la gauche de Jésus au ciel, ce qui amène une réaction forte des autres disciples. Dans une autre (Lc 9, 54), Jean veut faire tomber la foudre sur les gens de Samarie qui ne les accueillent pas correctement. Puis il y a le texte d’aujourd’hui où Jean, avec les autres apôtres, empêche un homme d’expulser les démons au nom de Jésus.

Souvent nous idéalisons les saint.e.s mais ils sont des gens comme vous et moi qui cherchent très souvent à tâtons le chemin. D’ailleurs les interventions notées, laisse à croire que Jean a eu besoin de temps pour que cet Amour de Jésus devienne le centre de sa vie, et qu’il vive d’un Amour qui ne juge ni ne condamne ni n’exclut.

Nous le savons, de par nos propres vies, que l’Amour en nous n’a pas la gratuité de celui du Christ. Il a souvent un prix ou des conditions : “Je t’aimerai si”…”. De plus, cet amour est toujours contaminé par le mal qui a marqué notre vie. C’est ce que nous voyons dans le texte d’aujourd’hui pour Jean. Je note trois éléments qui me frappent en lien avec “l’empêchement” (“nous l’en avons empêché”) noté dans le texte.

Le premier est que l’empêchement se fonde sur la peur. Il y a toujours en nous une sorte de peur latente face à l’autre à cause de sa différence ou même de sa trop grande ressemblance; l’autre nous dérange, spécialement lorsqu’il porte une blessure semblable à la nôtre. Notre peur se fonde aussi dans nos blessures d’amour vécues, lesquelles peuvent se traduire en ces mots : “M’aime-t-il.elle vraiment ?” Une sorte de doute constant existe en nous sur l’amour de l’autre, sur l’amour lui-même ou sur le fait que nous sommes dignes d’amour. Cela nous conduit à bien des rigidités, des exigences et des modes dysfonctionnels dans la relation amoureuse avec les autres. En fait, l’amour est continuellement en jugement en nous, pour ne pas dire en “empêchement”.

Dans la scène que nous contemplons aujourd’hui, cette peur traverse tous les disciples, Jean parlant en leurs noms, : “nous l’en avons empêché, car il n’est pas de ceux qui nous suivent”. Mais ce n’est pas par hasard que celui qui prend la parole sur cette question est celui-là même dont l’identité se veut, en sa formulation, “le disciple que Jésus aimait”, c’est-à-dire un témoin de l’Amour. Le chemin de Jean exigera pour lui une conversion de cet amour blessé en lui et marqué par la peur. Ce combat sera chez lui d’autant plus lancinant et puissant que son identité est marquée par cet Amour. Il faut se souvenir que le mal nous entraîne toujours à l’opposé de notre identité filiale. Pour Jean, la peur qui le ronge et pose des exigences et des violences sur l’Amour est là à fleur de peau et de relation, intoxiquant tout.

Le deuxième est la jalousie. Nous savons, selon l’Écriture que Dieu est un Dieu jaloux mais cette jalousie de l’Amour de Dieu embrasse tous les humains et exprime un amour sans condition pour chacun.e de nous. Notre jalousie à nous est de refuser (d’empêcher) que d’autres partagent l’Amour de Dieu. L’Amour devient alors possessif et étouffant. Ne sommes-nous pas d’ailleurs troublés quand nous avons le sentiment qu’une personne est plus aimée que nous par Dieu ou qu’une personne ne semble pas nous aimer ? L’Amour, en nous, est trop souvent mesuré (marqué d’un plus ou d’un moins) quand, en fait, la mesure de l’Amour de Dieu pour chacun.e de nous est démesure.

Le troisième élément que je note en ce texte est que l’amour de Jean, comme le nôtre, a l’empreinte de l’exclusion, du rejet, de la mise à distance de l’A(a)utre, “car il n’est pas de ceux qui nous suivent”. L’amour ne doit jamais être une exclusion des autres, une mise à distance entre nous et les autres, car l’amour de Dieu est pour toutes et tous. L’amour ne peut exclure mais, uniquement, être un chemin d’inclusion… jusqu’à aimer son ennemi, dira Jésus.

Tant que l’Amour n’est pas bien ancré en nous, notre amour porte peur, jalousie et exclusion. Mais Jésus veut leur enseigner l’Amour, car c’est là le coeur du mystère divin et humain. C’est pourquoi il leur dit : « Ne l’en empêchez pas, car celui qui fait un miracle en mon nom ne peut pas, aussitôt après, mal parler de moi ; celui qui n’est pas contre nous est pour nous. » Jésus répond en regard de cet homme particulier, mais s’adresse à chacun.e de nous.

Il nous dit ainsi à chacun.e que quelqu’un qui agit en son nom n’est pas “contre nous”. Nous pourrions élargir la portée de ces propos en rappelant que chaque personne humaine est un nom unique dans l’Unique Nom qu’est le Fils (ou formulé autrement, est une parole unique de Dieu dans l’Unique Parole qu’est le Fils). Dans cette perspective, tout humain vit et agit dans le Nom du Fils; ce qui signifie qu’aucun humain n’est “contre nous”, car toutes et tous nous sommes participants de ce Nom unique. En ce sens, ce texte nous appelle à une profonde conversion ! Et quelle transformation notre amour blessé est appelée à vivre pour être transparence de Celui de Dieu.

Comme Jean, nous sommes aimés infiniment de Dieu mais nous avons à ouvrir nos peurs, nos jalousies et nos exclusions à l’Amour du Fils pour que notre amour ne soit plus “empêché” mais libre. Redécouvrons en nous notre nom dans le Nom du Fils pour qu’en toutes et tous nous puissions l’entendre et, par ce nom, expulser les démons qui nous “empêchent” de croire en nous-mêmes !

Stéfan Thériault (stheriault@lepelerin.org)

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