Évangile du Mardi 22 février 2022 – 7e semaine du temps ordinaire (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions
« Tu es Pierre, et je te donnerai les clés du royaume des Cieux » Mt 16, 13-19
En ce temps-là, Jésus, arrivé dans la région de Césarée-de-Philippe, demandait à ses disciples : « Au dire des gens, qui est le Fils de l’homme ? » Ils répondirent : « Pour les uns, Jean le Baptiste ; pour d’autres, Élie ; pour d’autres encore, Jérémie ou l’un des prophètes. » Jésus leur demanda : « Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? » Alors Simon-Pierre prit la parole et dit : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant ! » Prenant la parole à son tour, Jésus lui dit : « Heureux es-tu, Simon fils de Yonas : ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais mon Père qui est aux cieux. Et moi, je te le déclare : Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église ; et la puissance de la Mort ne l’emportera pas sur elle. Je te donnerai les clés du royaume des Cieux : tout ce que tu auras lié sur la terre sera lié dans les cieux, et tout ce que tu auras délié sur la terre sera délié dans les cieux. »
Méditation
L’Évangile d’aujourd’hui – qui ressemble très fort à celui de jeudi dernier (Marc 8, 27-3) – commence par une question que Jésus adresse à ses disciples les plus proches : « Au dire des gens, qui est le Fils de l’homme ? »
Jésus avait-il vraiment besoin d’entendre, par la bouche de ses disciples, quelle réputation lui donnait-on, ce qu’on disait sur Lui, sur son identité ? En était-Il réellement curieux ou préoccupé ? Je ne crois pas ! Jésus était un homme totalement libre de “son image”. Il était ancré dans son cœur profond, enraciné dans son être filial « comme l’arbre planté auprès des cours d’eau ; (qui) porte fruit en son temps et jamais son feuillage ne sèche » (Psaume 1,3). Jésus demeurait sous le regard amoureux de son Père, c’était son habitat, son foyer d’amour inconditionnel.
Tant de passages de l’Évangile (surtout chez St Jean) nous le disent si bien : « Nul ne peut rien arracher de la main du Père. Moi et le Père nous sommes un. » (Jn 10, 29) « Vous me laisserez seul. Mais je ne suis pas seul : le Père est avec moi. » (Jn 16,32) « Père, tu es en moi et moi en toi. » (Jn 17,21)
Alors, cette première question de Jésus me semble plutôt rejoindre ce à quoi nos cœurs d’hommes et de femmes, eux, sont si habitués : « au dire des gens » ! Dans la vie quotidienne, si dense et rapide pour nous, combien de paroles entendues au hasard des conversations, à la radio, dans les médias et les réseaux sociaux ne répétons-nous pas aux autres ! Combien de pensées semées en nous « au dire des gens » ne véhiculons-nous pas dans nos commentaires, à brûle-pourpoint ? Ce courant de paroles venues d’ailleurs s’épaissit parfois comme un torrent de montagne au temps des crues. Ce torrent sauvage dont aucun barrage n’arrive à freiner la force et la violence, Jésus ne nous invite-t-Il pas à en prendre un peu plus conscience ? « Au dire des gens, qui est le Fils de l’homme ? »
La question que Jésus souhaite véritablement poser à ses disciples, n’est-elle pas plutôt la suivante ? « Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? » Cette question est de celles qu’on pourrait appeler “questions de vie”, celles qui essaient de faire jaillir de l’intérieur la Vie qui nous habite. Jésus cherche toujours à accompagner les siens vers l’essentiel, au cœur du cœur. Même si dans cet Évangile du jour la question est au pluriel, je l’entends comme ça ce matin : « Et toi, Pierre, André, Matthieu, …, et toi, Laurence, que dis-tu ? Pour toi, qui suis-je ? »
Jésus cherche toujours à aider à “personnaliser” les choses, à rencontrer la personne qu’Il a devant Lui, elle, celle qui est là, maintenant devant Lui. C’est pareil pour nous, ce matin : Il désire me parler à moi qui suis là, en sa Présence. Il désire infiniment m’écouter dans ce petit temps de prière, avant le rythme occupé de la journée dont mon agenda me parle déjà!
« Pour toi, qui suis-je ? » Cette “question de vie” s’adresse … à ma vie ! C’est pour moi – qui en ai besoin -, pour chacun, que Jésus la pose. Il l’adresse pour que nous ayons l’occasion de Lui dire notre foi, réelle, dans un dialogue personnel. En Lui disant avec mes mots à moi ce qu’Il représente dans ma vie, en Lui “racontant ma foi”, j’en prends plus conscience … Et cette “question de vie” me fait grandir !
« Pour toi, qui suis-je ? » J’aimerais vous proposer quelque chose de tout simple – si cela vous aide, bien sûr ! – : prendre du temps aujourd’hui pour (commencer à) écrire « qui est Jésus pour moi ». Et peu à peu, au gré de l’Esprit, dans la prière ou la méditation au cœur de la vie, dans la nature, laisser résonner cette “question de vie” … et continuer d’écrire, de formuler mon propre “crédo” tout au long des jours.
A cette “question de vie”, comme à toutes celles de l’Évangile, il n’y a pas de “bonne réponse” ! Je suis missionnaire dans un pays où les gens, et pas seulement les jeunes, ont peur des questions ! Peur d’en recevoir et peur même d’en poser ! La crainte de se tromper, de ne pas bien répondre, de dévoiler qu’on ne sait pas est terriblement paralysante. Or les questions de Jésus n’enferment jamais dans la crainte. Elles cherchent toujours à libérer – « Que veux-tu que je fasse pour toi ? » (Mc 10,51) -, à ouvrir notre existence et notre cœur au Souffle pour que la vie se déploie !
« Pour toi, qui suis-je ? Ne crains-pas … Ferme les yeux et laisse l’Esprit te rappeler doucement, ce que Je suis pour toi. Permets-Lui qu’Il refasse “passer par ton cœur” mon visage, mes gestes, qu’Il t’aide à remémorer ce que J’ai signifié et signifie pour toi, aujourd’hui, sur ton chemin de vie ».
Alors, peu à peu, ce “crédo” intérieur devient la “pierre” sur laquelle notre existence peut se construire plus solidement. Lorsque Jésus leur posa cette question aux disciples, « Simon-Pierre prit la parole et dit : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant ! » Prenant la parole à son tour, Jésus lui dit : « Heureux es-tu, Simon fils de Yonas : ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais mon Père qui est aux cieux. Et moi, je te le déclare : Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église. »
Pouvoir appuyer notre vie sur la pierre, ne plus nous « laisser balloter et emporter à tout vent des doctrines » (cf. St Paul, Lettre aux Eph. 4,14) par le « dire des gens ». Combien c’est important dans nos sociétés actuellement tentées par une telle idéologisation. Pouvoir appuyer notre vie, ma vie, sur le roc de l’expérience de Dieu, du Père qui ne cesse de murmurer sa Parole pour que je vive en plénitude. Cette pierre de l’expérience de Dieu est à la fois personnelle et tellement en communion avec tant et tant de frères et sœurs, par-delà les continents et les siècles !! J’aime tant faire l’expérience que dans la foi vécue et partagée naît la communion profonde avec les autres, au gré de la Providence, au gré des rencontres et des lectures …
« Pour toi, qui suis-je ? » Bien avant nous, François, Thérèse, … ont répondu de toute leur âme à la question de Jésus. St François d’Assise, après une profonde crise, s’exclama : « Seigneur, Tu es protection. Tu es gardien et défenseur. Grand et admirable Seigneur. Tu es notre suffisance. Toi seul est grand. »[1]. La Petite Thérèse a tenté de mille manières de dire à Jésus son amour passionné pour Lui. Dans une de ses poésies – « Jésus, mon bien-Aimé, rappelle-toi »[2] -, elle a eu besoin d’au moins 33 strophes pour tenter de répondre à sa question !
Et « pour toi, qui suis-je ? »
Laurence Vasseur
[1] Eloi Leclerc, Sagesse d’un pauvre, chap. 7 Une alouette chante sur les labours.
[2] https://www.archives-carmel-lisieux.fr/carmel/index.php/pn-24
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