Méditation : Pour vous, qui suis-je ? (No 130)

Évangile du Jeudi 17 février 2022 – 6e semaine du temps ordinaire (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions

« Tu es le Christ. – Il fallait que le Fils de l’homme souffre beaucoup » Mc 8, 27-33

En ce temps-là, Jésus s’en alla, ainsi que ses disciples, vers les villages situés aux environs de Césarée-de-Philippe. Chemin faisant, il interrogeait ses disciples : « Au dire des gens, qui suis-je ? » Ils lui répondirent : « Jean le Baptiste ; pour d’autres, Élie ; pour d’autres, un des prophètes. » Et lui les interrogeait : « Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? » Pierre, prenant la parole, lui dit : « Tu es le Christ. » Alors, il leur défendit vivement de parler de lui à personne.
Il commença à leur enseigner qu’il fallait que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes, qu’il soit tué, et que, trois jours après, il ressuscite. Jésus disait cette parole ouvertement. Pierre, le prenant à part, se mit à lui faire de vifs reproches. Mais Jésus se retourna et, voyant ses disciples, il interpella vivement Pierre : « Passe derrière moi, Satan ! Tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes. »

Méditation

« Chemin faisant, Jésus interrogeait ses disciples… » Les paroles profondes qui transforment les êtres, les discours qui basculent les relations vers l’intimité du cœur surgissent lors de moments mystérieux, imprévisibles, lors d’un chemin parcouru ensemble. Il en est ainsi de ces questions posées par Jésus à ses disciples. La première question est facile « Au dire des gens, qui suis-je ? », elle demande une simple observation de ce qui se dit aux alentours, elle n’engage en rien. D’ailleurs, tous ont trouvé des réponses. La seconde question est plus exigeante, « Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? », elle nécessite une introspection pour trouver une réponse personnelle et elle débouche vers un engagement. Du coup, elle est adressée à tous les disciples et elle espère une réponse unique de chacun d’eux, de chacun.e de nous. Pierre prend la parole en premier comme s’il était inspiré de parler au nom de tous. Sa déclaration est prodigieuse « Tu es le Christ »!  Qui aurait osé à l’époque, l’imaginer ou même la prononcer ? sinon l’apôtre Pierre au tempérament audacieux et enflammé. Sa déclaration est certes forte, mais elle demeure ambiguë ; ce qui expliquerait d’ailleurs l’étrange réaction de Jésus : Il ne refuse pas le titre mais Il leur défend d’en parler. Le silence protège la mission messianique d’une fausse interprétation, car si Jésus est bien le messie attendu, l’image que les disciples en avaient, est bien différente de Sa vraie identité. Et c’est ce que Jésus va essayer de leur faire comprendre : « qu’il fallait que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes, qu’il soit tué, et que, trois jours après, il ressuscite ». Quel discours impensable ! Un fils de Dieu qui n’est pas épargné de la souffrance et du mal, qui va passer par la mort et en ressurgir vivant ! Du jamais vu ! Pierre s’objecte, le Dieu tout puissant ne doit pas permettre que cela arrive.

Si d’emblée, la réponse de Pierre en est une inspirée, il lui reste encore beaucoup de chemin à faire afin de percevoir le vrai Être divin en Jésus, la pauvreté amoureuse de Dieu. Son refus et son incompréhension de cet Amour sans mesure qui consent même à la souffrance d’aimer jusqu’à la mort, est une véritable tentation pour Jésus : « Passe derrière moi, Satan ! Tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes. » Les pensées de Pierre, comme les nôtres bien souvent, ne sont pas ajustées à celles de Dieu; elles constituent des obstacles sur le chemin étroit qui mène à la Vie. Nous voulons la plupart du temps, être sauvés à notre manière, dans une spiritualité confortable, sécuritaire où il n’y aurait aucun aléa. Et comme Pierre, nous risquons d’entrainer les autres avec nous dans ce refus de l’Amour et de la Miséricorde de Dieu.

Les fragilités humaines de Pierre semblent ne pas le prédisposer à la mission qui va lui être confiée. Dieu fait-il une erreur de choix ? Avec toutes ses maladresses et ses impulsions malhabiles, Pierre restera fidèle à sa foi en Jésus. C’est cette foi vacillante, cachée dans toute la fragilité de la chair, que Jésus utilisera comme assise pour fonder la future communauté des disciples et pour bâtir Son Église : « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église, contre laquelle la mort elle-même ne pourra rien » (Mt 16,18).

La question de Jésus est cruciale, urgente, elle ne cesse de Lui brûler les lèvres, encore aujourd’hui : « Pour vous, qui suis-Je ? »  Pour moi, pour toi, pour chacun.e de nous, qui est Jésus ? Notre réponse, avant d’être une expression bien formulée, une parole bien articulée, elle est essentiellement et avant tout, une confession de foi qui nous est donnée, un choix de vie que nous posons, un engagement d’Amour. Elle résulte de cette connaissance intérieure qui ne peut se révéler qu’à travers une relation intime, amoureuse avec Lui, une expérience relationnelle qui se renouvelle sans cesse; tout comme deux ami(e)s intimes ou deux amoureux(ses) qui se reconnaissent dans cet espace d’intimité et de confidence. Un tel choix, un tel engagement ne peut se faire que dans un don total de nous-mêmes, dans un renoncement à toutes nos manières humaines préfabriquées de comprendre et de se représenter l’A(a)mour et la V(v)ie. Suivre Jésus, c’est suivre un crucifié, c’est emprunter les sentiers de l’amour et se rendre jusqu’au bout, malgré les souffrances et les douleurs. Malheureusement la souffrance nous fait scandale tout comme Pierre. Nous aussi, nous voulons faire un triage, nous voudrions choisir le Christ sans la Passion, les Béatitudes sans la pauvreté, Jésus sans la Croix, la Gloire sans la conversion. Nous cherchons souvent à contourner cette histoire de Salut. Nous préférons un Dieu qui nous dise ce que nous aimerions entendre, qui nous réconforte dans nos idées humaines et, surtout, qu’Il ne nous demande pas de nous impliquer corps et âme.

La réalité n’est pas la souffrance mais l’A(a)mour. La souffrance doit toujours être remise sur l’horizon de l’A(a)mour, afin qu’elle puisse se purifier de la désespérance et se libérer de la mort ; alors seulement la Gloire de Dieu pourra éclater en nous, au lieu même de nos souffrances, au cœur même de nos épreuves.

Gladys El Helou

DROIT D’AUTEUR

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