Méditation : Libre Humanité (No 101)

Évangile du Mercredi 19 janvier 2022 2e semaine du temps ordinaire (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)

« Est- il permis, le jour du sabbat, de sauver une vie ou de tuer ? » Mc 3, 1-6

En ce temps-là, Jésus entra de nouveau dans une synagogue ; il y avait là un homme dont la main était atrophiée. On observait Jésus pour voir s’il le guérirait le jour du sabbat. C’était afin de pouvoir l’accuser. Il dit à l’homme qui avait la main atrophiée : « Lève-toi, viens au milieu. » Et s’adressant aux autres : « Est-il permis, le jour du sabbat, de faire le bien ou de faire le mal ? de sauver une vie ou de tuer ? » Mais eux se taisaient. Alors, promenant sur eux un regard de colère, navré de l’endurcissement de leurs cœurs, il dit à l’homme : « Étends la main. » Il l’étendit, et sa main redevint normale.
Une fois sortis, les pharisiens se réunirent en conseil avec les partisans d’Hérode contre Jésus, pour voir comment le faire périr.

Méditation

Du texte d’hier nous pouvons comprendre, dans le contexte du sabbat, que nous sommes appelés à cueillir Dieu dans tous les épis du monde et que, si nous le faisons, nous ne porterons plus la même violence entre nous et envers la création. Il nous sera comme impossible, ayant goûté la Vie, de la détruire. Aujourd’hui, nous sommes invités à entrer avec Jésus dans une synagogue et, pour nous chrétiens, dans une Église. Cette fois, le coeur de l’enseignement de Jésus est en ces paroles, que j’offre en trois traductions : « Lève-toi, viens au milieu », « Lève-toi, là, au milieu » (bible de Jérusalem) et « Réveille-toi ! Au milieu ! » (bible de Chouraqui).

« Au milieu » de l’Église, Jésus place un homme, car le mystère du sabbat est, pour Dieu, l’humain. Le grand désir de Dieu est que chaque homme et chaque femme se lève, se réveille pour entrer dans sa Vie à Lui, d’être là « au milieu » dans son Coeur aimant. Ces mots sont ceux de la nouvelle naissance à laquelle nous sommes appelés en son Fils, dans ce naître-d’en-Haut où ciel et terre sont épousés.

La venue du Christ dans le monde est de replacer l’humain au centre en retrouvant le Dieu qui est « au milieu » de tout et dans le plus intime de nous. La question presque violente qui nous est posée : Est-ce que, dans nos églises ou dans l’Église en général, chaque humain est placé « au milieu » ? Est-ce que tout le service de l’Église est d’aider au relèvement et au réveil de chaque humain ? Sommes-nous là pour tous les humains, non seulement à la main atrophiée mais, aussi, au coeur, à l’esprit, aux pieds, etc. atrophiés ? N’y a-t-il pas en nous et au sein même de l’Église de ces regards qui cherchent à « accuser » ? En arrivons-nous, comme le souligne Jésus, à ne plus savoir, au jour du sabbat ou au coeur même de nos églises, s’il nous est permis  » de faire le bien ou de faire le mal ? de sauver une vie ou de tuer ? ».

« Mais eux se taisaient. » Est-ce que la Parole, le Fils, s’est si bien tue en nous que nous ne savons plus discerner entre la Vie et la mort, le Bien ou le mal, le Salut ou la violence ? Sommes-nous tristement devenus une église qui a oublié de mettre chaque humain au centre pour se retrancher dans ses jugements et ses accusations ? Nous avons jeté tant de personnes dans les périphéries, fait tant d’étrangers de frères et de soeurs en humanité : les divorcés remariés, les migrants, les non-chrétiens, les homosexuels, les athées, etc. Et ce, simplement parce que, au centre de notre église, celle du sanctuaire de notre être, nous ne savons plus cueillir Dieu et, ainsi, contempler notre véritable humanité. Nous avons perdu notre centre, le « juste milieu », où là seul l’humain peut se « lever », se « lever » d’humanité en Dieu et Dieu en lui.

L’invitation du Pape François de visiter les périphéries existentielles est pour tout reconduire « au milieu », au « centre de la Vie », en ce lieu où Dieu et l’humain apprennent à être Un. Et cet homme, dans l’Évangile, qui est appelé de passer de la périphérie de sa main atrophiée, laquelle ne sait plus se tendre pour aimer, pour faire alliance, pour servir…, a besoin de notre P(p)arole pour s’entendre dire : « Étends la main. » Si chaque chrétien reste dans le jugement, comment donnerons-nous à Dieu la joie de nous sauver et d’être Église ? Car si l’humain que nous sommes et l’humain qu’est l’autre ne sont pas, avec Dieu, au coeur de notre sanctuaire intérieur et au coeur de nos églises, ni le sabbat ni l’eucharistie ne sont possibles. L’humain ne peut alors êtres é-levé, par, avec et en le Fils, à cause « de l’endurcissement de (nos) cœurs « .

Pour Dieu, nos péchés, nos faiblesses, nos fragilités, nos chutes, etc. ne sont pas un empêchement à notre é-lévation, car, sur la Croix, Il les a tous élevés avec Lui pour nous porter jusqu’au Père. Ce sont nos auto-accusations et nos accusations des autres qui nous rétrécissent et nous enchaînent. Comme l’a dit Jésus, « les publicains et les prostitué.e.s arrivent avant vous au Royaume de Dieu » (Mt 21, 31). Si Jésus n’a pas refusé à Judas son eucharistie, cet homme aux confins des périphéries, comment pouvons la refuser à un autre humain ?

S’é-lève « au milieu » du monde le Fils de Dieu tout autant que le Fils de l’Homme crucifié. La Croix est l’arbre de Vie planté au centre de toutes nos églises. L’ignorer, c’est ignorer à la fois le Fils de Dieu et tous les fils et les filles dans le Fils de l’Homme. Le centre de toutes nos églises est l’humain blessé, totalement et parfaitement accueillie, sans accusations mais avec miséricorde, par le Fils crucifié. Mais cela exige de nous un long chemin de conversion jusqu’ « au milieu » où nous acceptons de laisser embrasser toutes nos pauvretés et tous nos péchés par Dieu. Il n’est pas facile de se rendre « au milieu » livrés à tous ces regards qui nous accusent et nous crucifient mais Jésus nous demande de nous y rendre pour que son regard nous libère de tous ces regards qui nous enchaînent par leurs jugements (jugements que nous avons bien intériorisés). Il nous demande d’avoir le courage de répondre à la main tendue de Dieu qui nous invite : « Étends ta main ». Il désire que nous retrouvions notre libre humanité ! Et que de là, comme Jésus l’a dit souvent, « Va et ne pèche plus ». Vis en cohérence avec la V(v)ie que tu as découverte.

Stéfan Thériault (stheriault@lepelerin.org)

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