Évangile du mercredi 10 novembre (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)
« Il ne s’est trouvé parmi eux que cet étranger pour revenir sur ses pas et rendre gloire à Dieu ! » Lc 17, 11-19
En ce temps-là, Jésus, marchant vers Jérusalem, traversait la région située entre la Samarie et la Galilée. Comme il entrait dans un village, dix lépreux vinrent à sa rencontre. Ils s’arrêtèrent à distance et lui crièrent : « Jésus, maître, prends pitié de nous. » À cette vue, Jésus leur dit : « Allez vous montrer aux prêtres. »
En cours de route, ils furent purifiés. L’un d’eux, voyant qu’il était guéri, revint sur ses pas, en glorifiant Dieu à pleine voix. Il se jeta face contre terre aux pieds de Jésus en lui rendant grâce. Or, c’était un Samaritain. Alors Jésus prit la parole en disant : « Tous les dix n’ont-ils pas été purifiés ? Les neuf autres, où sont-ils ? Il ne s’est trouvé parmi eux que cet étranger pour revenir sur ses pas et rendre gloire à Dieu ! » Jésus lui dit : « Relève-toi et va : ta foi t’a sauvé. »
Méditation
J’aimerais lire l’histoire des dix lépreux, comme celle d’une contemplation réussie et d’une contemplation ratée. Regardons le texte.
La contemplation débute toujours par ce Dieu qui s’approche de nous : « Comme il entrait dans un village ». Sans ce Dieu qui prend l’initiative, comment nous serait-il possible de goûter à l’infini de sa Présence ? Bien sûr, nous comprendrons que le mystère de l’incarnation, d’un Dieu venu marcher avec nous est une preuve inégalable de son Amour pour nous, tout comme de rendre cet Amour accessible, à portée d’humain.
À cette approche de Dieu, est toujours exigée une réponse de l’être humain. Nous pourrions dire un signe de notre intérêt envers Celui qui s’approche, qui se fait prochain : « dix lépreux vinrent à sa rencontre ». La réponse est là et elle est immédiate, car comme Il entre, ils viennent. Et ici se révèle un autre trait de la contemplation que nous pouvons oublier : la communauté. Les dix lépreux forment communauté, une communauté assurément portée par une même souffrance mais, aussi, par un désir de guérison commun.
Nous pouvons penser trop souvent, au cœur de nos contemplations solitaires, que notre contemplation repose sur notre seule réponse à venir mais il n’en est pas le cas. Chaque contemplation réalisée dans le secret est toujours portée par une communauté, par la grâce de la vie de chacun.e. Que nous en soyons conscients ou non l’humanité forme un corps, dans le Christ, si bien que la grâce de la vie de l’un déborde vers la vie de l’autre. Nous sommes continuellement portés et engendrés par les autres dans le Christ.
Bien sûr, dans ce groupe de dix lépreux, il y a peut-être un ou des leaders et, je l’(les)appellerais, un ou des meneurs de grâces dont la vie intérieure soutient le mouvement de marche des autres vers Dieu. Ce leadership n’est pas celui de ceux et celles qui parlent le fort ou s’imposent mais de ceux et celles qui vivent dans l’humilité du cœur. Pour l’instant, il nous est impossible de voir s’il y en a un. Ce dont nous sommes témoins, c’est de cette humilité du groupe et de leur unité. L’humilité s’exprime dans le fait de « s’arrêter à distance ». Comme toute personne qui s’approche de Dieu, plus grande est la proximité, plus claire est la lèpre qu’elle porte. La Lumière ne peut qu’éclairer les ténèbres que nous portons. Si bien qu’il est normal de nous arrêter et de nous tenir à distance, car, ici, se trouve la terre sacrée de Dieu. C’est à Lui de nous inviter.
Puis, il y a l’unité exprimée par une même voix qui crie vers Dieu : « Jésus, maître, prends pitié de nous. » Ce que Chouraqui traduira : « Iéshoua, enseigneur, matricie-nous ! ». Le verbe matricier est la traduction de « faire miséricorde ». Mais l’image de la matrice est belle, car, devant la conscience de notre lèpre, le cœur demande à Dieu de nous prendre en son sein pour nous donner de naître-à-nouveau, de « naître-d’en-haut ». Nous saisissons que nous sommes morts, perdus, et que nous avons besoin de Dieu pour retrouver la vie et notre véritable chemin.
À cette demande et « à cette vue », Jésus répond dans l’instant « Allez vous montrer aux prêtres. » Jésus ne peut refuser une telle demande, car Il est venu dans le monde afin que toutes et tous retrouvent leur filiation de Vie au Père. Tout son être de Fils ne désire que partager sa filiation, car, redisons-le, c’est en sa filiation que notre filiation trouve sa source dès la création et, d’une manière étonnante, dans la rédemption.
Les dix lépreux obéissent alors à ses paroles, ce qui se traduit dans la contemplation qu’ils obéissent à la Parole même qu’il est (du Père). Ce consentement intérieur à la Parole est le fondement pour le début de la contemplation et, disons-le, de notre naissance, car c’est en la Parole seule qu’est le Fils que nous pouvons voir le Père et naître, de cette Parole, à nouveau. Le signe qu’ils sont bien de nouveau sur la route leur est donné : « En cours de route, ils furent purifiés ». Mais soudainement tout se gâche…
Neuf lépreux sur dix se contenteront d’une guérison physique et n’auront d’intérêt que leur bien-être. Sur le chemin spirituel, ce danger de contention est bien réel et, à sa façon, dramatique. Au lieu de choisir Dieu qui nous guérit, nous choisissons les grâces qui nous sont données. La joie ne naît pas de la rencontre, de la grâce formidable de la Présence de Dieu dans nos vies, mais se fonde uniquement sur les effets de cette Présence. Dans un tel cas, nous contemplons notre beauté, notre être purifiée, au lieu du Dieu, Source de toute pureté. L’Amour s’éteint alors, car il n’est plus celui d’une réciprocité de présence à Présence mais la possession/contention de la grâce amenant à la disparition de Dieu (à nos yeux). L’important, ce n’est pas la guérison mais, essentiellement, la relation d’Amour avec Dieu.
Le texte nous découvre alors le leader, le meneur de grâces, caché de ce groupe. Des neuf autres qui avaient été préparés comme lui à l’entrée dans la contemplation, et, avouons-le, de manière spectaculaire, il sera le seul nous dit le texte à voir l’essentiel : « voyant qu’il était guéri, revint sur ses pas, en glorifiant Dieu à pleine voix. Il se jeta face contre terre aux pieds de Jésus en lui rendant grâce. »
Une contemplation réussie et neuf contemplations ratées. Et je termine là-dessus, car ce serait trop long d’en parler et, assurément bien maladroit, car la contemplation de ne dit pas, elle se vit. Je vous invite donc à contempler le Christ dans une rencontre avec Lui en essayant de vivre cinq actions fort importantes que nous révèlent le texte. La première : « voir qu’il était guéri », à savoir contempler en vous les merveilles que Dieu a opérées. « Revenir sur vos pas », ne pas rester loin de Dieu dans la contention de ce que vous avez reçu mais de revenir vers Lui, l’Unique nécessaire, le Seul à qui notre amour doit être accordé. Ce mouvement est, aussi, de relire son histoire, pour y découvrir cette Présence fidèle. Et « glorifier Dieu » pour tout ce que vous y verrez, dans une gratitude et un une louange qui chante sa Miséricorde ! Puis, « jeter-vous face contre terre à ses pieds », dans la reconnaissance de votre fragilité mais, surtout, dans l’humilité qu’appelle cette Présence et dans le désir de tout Lui abandonner, votre être et votre existence. Et dans votre cœur « rendez grâce » pour Lui, non d’abord pour la guérison, mais, simplement, parce Dieu est et cela suffit. Que le plus grand présent qui vous est donné sur cette terre est celui de sa Présence ! “Relève-toi et va : ta foi t’a sauvé.” Voilà le cœur de la contemplation ! quand Dieu seul suffit.
Stéfan Thériault (stheriault@lepelerin.org)
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