Méditation : Laisserons-nous à notre table un peu d’espace à l’étranger ? (No 37)

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Évangile du mardi 2 novembre (tiré d’AELF)

« Venez, les bénis de mon Père » Mt 21, 31-46

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples :  « Quand le Fils de l’homme viendra dans sa gloire, et tous les anges avec lui, alors il siégera sur son trône de gloire.  Toutes les nations seront rassemblées devant lui ; il séparera les hommes les uns des autres, comme le berger sépare les brebis des boucs :  il placera les brebis à sa droite, et les boucs à gauche.

Alors le Roi dira à ceux qui seront à sa droite : ‘Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la fondation du monde.  Car j’avais faim, et vous m’avez donné à manger ; j’avais soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais un étranger, et vous m’avez accueilli ; j’étais nu, et vous m’avez habillé ; j’étais malade, et vous m’avez visité ; j’étais en prison, et vous êtes venus jusqu’à moi !’

Alors les justes lui répondront : ‘Seigneur, quand est-ce que nous t’avons vu…? tu avais donc faim, et nous t’avons nourri ? tu avais soif, et nous t’avons donné à boire ?  tu étais un étranger, et nous t’avons accueilli ? tu étais nu, et nous t’avons habillé ? tu étais malade ou en prison… Quand sommes-nous venus jusqu’à toi ?’  Et le Roi leur répondra :
‘Amen, je vous le dis : chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait.’ 

Alors il dira à ceux qui seront à sa gauche : ‘Allez-vous-en loin de moi, vous les maudits, dans le feu éternel préparé pour le diable et ses anges. Car j’avais faim, et vous ne m’avez pas donné à manger ; j’avais soif, et vous ne m’avez pas donné à boire ; j’étais un étranger, et vous ne m’avez pas accueilli ; j’étais nu, et vous ne m’avez pas habillé ; j’étais malade et en prison, et vous ne m’avez pas visité.’

Alors ils répondront, eux aussi : ‘Seigneur, quand t’avons-nous vu avoir faim, avoir soif, être nu, étranger, malade ou en prison, sans nous mettre à ton service ?’ Il leur répondra : ‘Amen, je vous le dis : chaque fois que vous ne l’avez pas fait à l’un de ces plus petits, c’est à moi que vous ne l’avez pas fait.’

Et ils s’en iront, ceux-ci au châtiment éternel, et les justes, à la vie éternelle. »

Méditation

Aujourd’hui 2 novembre l’Église fait mémoire de tous nos frères et soeurs défunts. Et pour nous, un jour pour re-passer par le cœur tant de visages, tant de vies qui déjà nous précèdent sur l’autre rive. Chacune d’elles, à sa manière unique, a incarné pour nous les mots de l’Évangile proposés en ce jour. « J’avais faim, et vous m’avez donné à manger ; j’avais soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais un étranger, et vous m’avez accueilli ;   j’étais nu, et vous m’avez habillé ; j’étais malade, et vous m’avez visité ; j’étais en prison, et vous êtes venus jusqu’à moi ! » Un père, une mère, un grand frère, une sœur, notre meilleur(e) ami(e), une de nos grands-mères … par eux, ces mots ont pris chair.

Comme on le connaît bien cet Évangile de Matthieu, et plus encore ces versets : « Amen, je vous le dis : chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait.« 

Oui, ces mots de Jésus nous sont si familiers, mais comme on aimerait qu’ils soient encore « révolutionnaires » dans notre vie, maintenant !

Ce passage de Matthieu 25 nous rappelle si clairement que notre vie « est en relation », qu’elle n’existe qu’« en relation ». Nous sommes des êtres re-liés, créés pour la relation avec Dieu – dans le Christ et par l’Esprit Saint – et avec nos frères et sœurs en humanité. Je crois qu’un livre de Thomas Merton porte ce titre : Nul n’est une île. Personne ne peut réellement vivre seul, sans aucune relation avec quiconque. Cela signifie pour nous la « mort intérieure », la perte du sens de l’existence. Tout au long de cette si longue pandémie, nous ne l’avons que trop expérimentée chacun, et surtout les personnes effectivement isolées.

Notre vie humaine est tissée par les multiples relations qui s’offrent à nous, si variées : il y a celles remplies de vie et d’amour qui nous font « être », nous élèvent, nous construisent et ouvrent toujours plus grand l’horizon ; puis il y en a d’autres qui nous ont blessés et sont même venues déposer un doute profond sur notre capacité de vivre « reliés », un doute sur notre identité de fils et filles de Dieu créés pour la communion.

Alors comme elles sont vitales ces paroles de Jésus pour nous reconduire doucement vers la vérité de notre être. Dans son incarnation, Il est venu nous dire que nos vies, et donc nos relations humaines, elles sont « en Lui ». Saint Paul le dit d’une manière étonnante dans la Lettre aux Colossiens : « la réalité, c’est le corps du Christ. » (2,17) Dans la réalité si concrète, si « terre à terre » de nos petites existences, c’est Lui que nous touchons, c’est son Corps qui se présente à nous en chaque personne. Quand on découvre cela, c’est une révolution ! Elle renverse tous nos cadres établis ! Il n’y a plus deux mondes séparés, d’un côté Dieu et le monde spirituel, et de l’autre la réalité humaine, le monde, les autres et moi. Dieu a tout uni en son Fils. « Amen, je vous le dis : chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. » « Chaque fois que vous ne l’avez pas fait à l’un de ces plus petits, c’est à moi que vous ne l’avez pas fait. » Paroles si limpides desquelles on ne peut s’esquiver.

Ce passage de Matthieu est souvent intitulé dans nos bibles : le jugement dernier. « Jugement », rien qu’entendre ce mot nous fait peur ou nous provoque rejet ! Dans notre itinéraire de vie, depuis l’école jusque dans la vie professionnelle, dans nos relations, nous avons tant été « jugés » sur nos compétences, calibrés selon des mesures et des critères extérieurs. Alors, le « jugement final » sera-t-il lui aussi un dernier examen de qualification ? Un jour on m’a éclairée sur cela : le rôle du Christ dans le « jugement dernier » est un rôle d’illumination. Ce n’est pas Dieu qui décidera pour nous la place de chacun, mais sa lumière illuminera ce que j’ai voulu faire de ma vie, en relation avec Lui et avec mes frères et sœurs.

Ce sont nos choix d’amour au quotidien qui nous « placent » d’un côté ou d’un autre, non pas nos grandes actions spectaculaires ! Les gestes de miséricorde qui manifestent à l’autre, en m’approchant de lui, en l’écoutant, en essayant de répondre à sa soif, que « sa vie a du prix pour moi, réellement ». « J’avais faim, et vous m’avez donné à manger ; j’étais un étranger, et vous m’avez accueilli ; j’étais malade, et vous m’avez visité… » Laissons résonner ces paroles dans notre cœur, une fois de plus. Derrière chacune d’elle, une rencontre de ces derniers jours, un visage revu hier ou revenu en mémoire à l’instant, un message reçu … Jésus, c’est ta faim dans chacune de ces personnes, son désir d’être accueillie, écoutée.

            Ces mots-là me rappellent toujours un chant que j’écoutais lorsque j’étais enfant. Les paroles sont restées gravées en moi, un peu comme le murmure constant du Christ dans son Corps : « Ne laissons pas mourir la terre. Laisserons-nous à notre table un peu d’espace à l’étranger ? Trouvera-t-il quand il viendra un cœur ouvert pour l’écouter ? » Retrouver ce cœur d’enfant ému par cette question … Non, on n’a pas le droit de laisser mourir la terre, de laisser s’éteindre la joie dans un regard qui nous attend, s’étouffer l’espérance dans le cœur qui cherche ses mots pour dire sa douleur …

« Seigneur, quand est-ce que nous t’avons vu…? Quand sommes-nous venus jusqu’à toi ? » Quelle joie quand Il nous répondra, les yeux dans les yeux : Vous m’avez vu dans les miens, dans les plus petits d’entre les miens, c’était moi, c’est moi, ma propre chair.

Laurence Vasseur

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