Méditation : Fumier de Vie (No 27)

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Évangile du samedi 23 octobre (tiré du Prions en Église et pour les personnes qui voudraient s’abonner au Prions)

« Si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de même » Lc 13, 1-9

Un jour, des gens rapportèrent à Jésus l’affaire des Galiléens que Pilate avait fait massacrer, mêlant leur sang à celui des sacrifices qu’ils offraient. Jésus leur répondit : « Pensez-vous que ces Galiléens étaient de plus grands pécheurs que tous les autres Galiléens, pour avoir subi un tel sort ? Eh bien, je vous dis : pas du tout ! Mais si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de même. Et ces dix-huit personnes tuées par la chute de la tour de Siloé, pensez-vous qu’elles étaient plus coupables que tous les autres habitants de Jérusalem ? Eh bien, je vous dis : pas du tout ! Mais si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de même. »
Jésus disait encore cette parabole : « Quelqu’un avait un figuier planté dans sa vigne. Il vint chercher du fruit sur ce figuier, et n’en trouva pas. Il dit alors à son vigneron : “Voilà trois ans que je viens chercher du fruit sur ce figuier, et je n’en trouve pas. Coupe-le. À quoi bon le laisser épuiser le sol ?” Mais le vigneron lui répondit : “Maître, laisse-le encore cette année, le temps que je bêche autour pour y mettre du fumier. Peut-être donnera-t-il du fruit à l’avenir. Sinon, tu le couperas.” »

Méditation

Tant de fois sommes-nous à nous justifier face aux autres pour rétablir notre valeur. Leur dire que ce n’est pas de notre faute, que nous ne sommes pas coupables. Tout autant nous accusons les autres de ce qui nous arrive, les diminuons pour nous grandir, cherchant à poser la responsabilité sur un autre. L’évangile d’aujourd’hui nous dit que ni la première façon ni la seconde n’ont de sens, car les autres sont-ils plus pécheurs que nous ou leur dette est-elle plus grande que la nôtre ? Méfions-nous de mesurer, car nous serons nous-mêmes mesurés à partir de la mesure que nous aurons utilisée… et sur ce chemin personne ne peut sortir indemne.

Aucun humain ne peut se dire sans péché sinon, comme l’écrivait saint Jean, « nous nous abusons, la vérité n’est pas en nous » (1 Jn 1,8). Ce que nous dit aussi le texte de ce jour :  » Mais si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de même.  » À cela saint Jean répond : Si nous confessons nos péchés, lui, fidèle et juste pardonnera nos péchés et nous purifiera de notre iniquité » (1 Jn 1, 9). La clef n’est donc pas dans la culpabilisation ou l’accusation mais dans le pardon de nous-même et de l’autre.

De fait, notre problème n’est pas d’avoir des fautes, de nous être trompés, d’être pécheurs mais de refuser de voir en nous les ténèbres qui y sont et de les reporter sur nous ou sur les autres par nos jugements et nos violences. La seule voie n’est pas de nier nos ténèbres mais de les regarder en vérité en laissant la Lumière de Dieu y pénétrer et de nous laisser entraîner dans son amour pour pardonner. Seul le pardon a le pouvoir de « justifier ». La suite du texte nous révèle d’ailleurs les conséquences de cette conversion.

Le Père regarde le monde et, chez plusieurs, Il ne voit, malheureusement, qu’un « figuier stérile ». Quand Il nous regarde et cherche en nous, remarque-t-Il des fruits ? Sommes-nous de ceux et celles à qui ces paroles s’adressent :  » À quoi bon le laisser épuiser le sol ?  » Nous prenons, nous exploitons, nous vampirisons la planète et les autres humains et, tristement, de notre côté aucun fruit à partager aux autres.

Dans le monde de Dieu ou dans le monde de la Vie duquel est né l’humain, n’existe qu’une loi, celle du don : « ce que vous avez reçu gratuitement, donnez-le gratuitement ». Le maître de la vigne serait tenté de « couper » ce qui ne communique aucune vie nouvelle mais le vigneron demande patience et miséricorde pour nous. Oui, le Fils implore le Père :  » laisse-le encore cette année ».

Mais le Fils nous demande de l’aider et de nous aider mutuellement :  » le temps que je bêche autour pour y mettre du fumier. Peut-être donnera-t-il du fruit à l’avenir. Sinon, tu le couperas.” Il est intéressant de noter que ce qui est le plus riche ou utile pour faire pousser des fruits chez l’autre est « notre fumier ». Notre fumier est notre blessure, avec toutes ses erreurs et ses errances, laquelle a reçu un jour la grâce de la visite du vigneron. Cette blessure n’est plus alors une terre de mort et de reproches mais une pauvreté, une faiblesse, une déchirure devenue par la Vie et l’Amour/ Pardon déposés par le Fils et l’Esprit un engrais pour la Vie des autres.

Dieu ne détruit pas nos blessures, il en fait ressortir la vie en y déposant de la Sienne. Il les transforme en une substance de Vie qui permet aux autres figuiers stériles de retrouver, eux aussi, le chemin de la Vie pour devenir à leur tour un fumier fécond. Chacun.e de nous avons à vivre cette conversion de la stérilité de notre blessure par sa transformation en un fumier riche de Vie et porteur de fécondité pour l’autre. Notre guérison, si elle est pour nous, est tout autant pour les autres. Le chemin de guérison n’est jamais un chemin centré sur nous-mêmes mais une nouvelle expérience de communion, celle d’appartenir à une vigne. Seuls le pardon et l’Amour opèrent une telle transformation.

Stéfan Thériault (stheriault@lepelerin@org)

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